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Mediapart
Comment le Conseil d’État est devenu l’omniprésent arbitre des libertés
#libertés #conseildEtat
Article mis en ligne le 5 décembre 2023

En matière de liberté associative, de surveillance ou de violences policières ou encore de droit des étrangers, la juridiction administrative suprême est devenue la principale à trancher. Malgré ses relations ambiguës avec le gouvernement et les questions sur son indépendance.

Le Conseil d’État fait partie de ces héritages napoléoniens symbolisant une certaine vision de l’administration, de la haute fonction publique et de la préservation des intérêts supérieurs de l’État.

Ses membres, pour beaucoup issus de l’École nationale d’administration (ENA), forment un corps extrêmement homogène, une caste selon certains. Ils sont appelés à la fois à conseiller le gouvernement en rédigeant des avis sur ses projets de loi et de décret et à juger le recours déposé par des citoyen·nes contre cette même administration.

Sa double casquette de « conseiller-juge » du gouvernement et cette consanguinité dans sa composition ont depuis longtemps amené les juristes à s’interroger sur « le rôle politique » du Conseil d’État et sur son indépendance. (...)

Depuis une dizaine d’années, un nouveau phénomène a rendu cette question encore plus prégnante : peu à peu, le Conseil d’État s’est imposé comme le principal arbitre des libertés fondamentales.

Que ce soit lors des états d’urgence, terroriste et sanitaire, sur la question environnementale, la lutte écologique, la défense de la liberté associative, la lutte contre la surveillance ou contre les violences policières, la juridiction administrative a été celle ayant eu à trancher les principaux débats en matière de libertés.

Le dernier exemple en date est l’annulation, jeudi 9 novembre, de la dissolution des Soulèvements de la Terre, et la confirmation de celle de trois autres organisations. Quatre décisions formant une jurisprudence, comme souvent avec le Conseil d’État, ambivalente. (...)

La création du référé-liberté

Plusieurs facteurs expliquent cette évolution, et le premier est imputable aux associations de défense des libertés elles-mêmes. Jusqu’à la fin des années 1990, il n’existait pas en matière administrative de véritable référé. (...)

Pour répondre au vide juridique des situations d’urgence en droit administratif, une nouvelle procédure est créée par une loi du 30 juin 2000 : le référé-liberté. Celui-ci permet de saisir le juge administratif pour lui demander de prendre « toutes mesures nécessaires » pour protéger une liberté fondamentale menacée par une administration. Et celui-ci doit se prononcer dans un délai de 48 heures.

Le référé-liberté a créé un effet d’aubaine pour des associations de défense des libertés ayant déjà fait du droit un terrain de lutte, notamment le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), pionnier en matière de combat juridique. (...)