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Climatosceptiques sur YouTube : « La menace n’est pas à prendre à la légère »
#climatosceptiques #urgenceclimatique #extremedroite
Article mis en ligne le 16 septembre 2024
dernière modification le 11 septembre 2024

Dans une vidéo, le youtubeur d’extrême droite Le Raptor réfute le réchauffement climatique, qualifié d’« arnaque mondiale ». Un buzz inquiétant, qui va au-delà d’internet, selon le journaliste Maxime Macé, spécialiste de la fachosphère.

En moins de 24 heures, sa vidéo a atteint plus de 300 000 vues et a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Après deux ans d’absence, Le Raptor, plus connu sous son ancien pseudo Le Raptor dissident, a publié un nouveau contenu climatosceptique le 8 septembre intitulé « Le réchauffement climatique : décryptage d’une arnaque mondiale ». Le youtubeur y réfute pendant 1 h 12 les données scientifiques et s’établit comme le « guerrier de la libération à l’aide de l’arme de la vérité ».

Son discours anti-écologique s’accompagne d’un discours antiwoke, transphobe, et va jusqu’à qualifier les femmes de « gonzesses à problèmes familiaux sous anxiolytiques » et de « meufs aux profils psychiatriques calamiteux ». Le tout accompagné d’insultes envers les experts et les militants écologistes perçus comme des « psychiatriques de la secte climat », voire des « climatistes pathologiques ».

Le discours du Raptor se base uniquement sur le livre Unsettled : What Climate Science Tells Us, What It Doesn’t, and Why It Matters, écrit par Steven Koonin, l’un des champions internationaux de la communauté climatosceptique. Selon lui, l’influence humaine sur le changement climatique est minime et les documents officiels sont alarmistes. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) aurait détourné la science. (...)

Maxime Macé — La vidéo fait le buzz, mais elle reste dans l’étiage de ce qu’est capable de produire aujourd’hui la fachosphère avec ses poids lourds comme Papacito, Dieudonné ou Le Raptor. Ces personnalités sont très engageantes pour leur communauté sur les réseaux sociaux. Ils teasent leur vidéo, ils sont très attendus. Cela faisait plus de deux ans que Le Raptor n’avait pas publié de contenu gratuit sur YouTube. Il a aussi pu compter sur le soutien d’autres influenceurs d’extrême droite qui l’ont relayé. Son succès n’est donc pas surprenant

D’autant que ses opposants en parlent, contribuant à faire monter les scores de la vidéo. Si l’on veut critiquer son discours sur les réseaux sans qu’il cumule de vues, il faut bien faire attention à ne prendre qu’une capture écran du tweet ou de la vidéo d’origine pour ne pas la diffuser malgré nous. (...)

Le mensonge se diffuse beaucoup plus facilement que la réalité. La forme de la vidéo joue également. Le ton goguenard et méprisant du Raptor plaît. (...)

Cette culture du clash liée à la fachosphère s’est même diffusée partout ensuite, à la télévision, à la radio et dans les médias de Bolloré. En soi, ce que dit Le Raptor n’est ni plus ni moins ce que l’on peut entendre aujourd’hui sur CNews. Il y a une banalisation de ce type de pensée. L’espace du dicible s’est élargi dans les médias et chez les politiques. Un régime de post-vérité s’est peu à peu instauré. (...)

Cela fait partie de la stratégie de l’extrême droite, qui a remporté la première bataille dans la guerre culturelle. Il s’agit aussi pour elle de dénier toute forme de supériorité aux discours scientifiques étayés. (...)

L’extrême droite ne s’intéresse pas à l’argumentation scientifique, ce qui compte pour elle n’est pas le réel, ce sont ses obsessions identitaire, xénophobe et anti-écologique. (...)

Quelle est la cible de cette vidéo ?

En publiant une vidéo sur YouTube, Raptor s’adresse globalement à un public de 18-35 ans. Il veut à la fois contenter sa communauté, mais aussi ouvrir les champs de sa clientèle potentielle. Il ne faut pas oublier que c’est un boutiquier avant tout (...) Derrière cette vidéo et son audience, il y a un business. C’est une machine à cash. Le Raptor est un entrepreneur.

Le premier commentaire épinglé sous la vidéo renvoie d’ailleurs à ses services. Le sujet de la vidéo est presque un prétexte. (...)

Pourquoi mêle-t-il à ses propos anti-écologiques des injures antiwoke, transphobes et sexistes ?

La fachosphère ne se prive jamais de caricatures. Pour eux, l’écologie est une notion de gauche et la gauche est l’ennemi à abattre. Le progressisme est un grand tout où s’aggloméreraient toutes ces valeurs qui attaquent l’Occident, la société traditionnelle et la virilité masculine. (...)

Cette vidéo est-elle dangereuse ?

Je pense qu’il faut la prendre au sérieux. La fachosphère ne se contente plus de petites blagues politiquement incorrectes et racistes. Elle façonne un discours qui irrigue le monde réel. On le voit avec la théorie du grand remplacement. (...)

On voit aussi avec les derniers sondages que le climatoscepticisme a tendance à embarquer une part non négligeable de la population française. La situation se dégrade et peut avoir des conséquences très pratiques. Soutenu activement par la fachosphère, Éric Zemmour a obtenu 7 % des voix à la dernière élection présidentielle avec un programme extrêmement violent. La menace n’est donc pas à prendre à la légère.

Comment riposter ? (...)

c’est important de montrer qu’il existe un autre discours, que celui-ci est argumenté, qu’il a des sources. Les climatologues et les historiens ont un rôle décisif à jouer. On ne peut pas demander aux gens confrontés à ce type de discours d’aller eux-mêmes contre-argumenter. Il faut faire monter en puissance des influenceurs opposés aux idées d’extrême droite. Lors des dernières élections législatives, le fort taux d’influenceurs mobilisés à gauche a changé la donne. (...)

Je pense qu’il faut faire exister des gens qui, par leur travail, s’opposent à l’extrême droite. Il n’y a pas, en soi, de prédominance de l’extrême droite sur les réseaux ni de monopole de leur pensée, si ce n’est sur X [ex-Twitter]. La bataille n’est pas finie, il faut y engager toutes nos forces. (...)

Pop fascisme — Comment l’extrême droite a gagné la bataille culturelle sur internet, de Pierre Plottu et Maxime Macé, aux éditions Divergences, 27 septembre 2024, 108 p., 15 euros.