
Chat Control a suscité un grand intérêt sur les réseaux sociaux et dans le débat public, à juste titre, en raison de plusieurs mesures draconiennes. De nombreuses voix ont dénoncé les atteintes particulières aux droits des journalistes, des communautés LGBTQIA+, des parents qui partagent leurs photos de famille, des avocats, et même des enfants eux-mêmes – que ce texte est pourtant censé protéger.
Mais heureusement, il est encore possible de faire bouger les choses au sein de l’UE pour lutter contre ce texte de loi, lisez la suite pour voir comment vous pouvez contribuer à aider !
« Chat Control » est en réalité le surnom d’un projet de règlement européen « établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants », baptisé « Child Sexual Abuse Regulation » ou CSAR en anglais. Depuis sa présentation en 2022 par l’ex-commissaire européenne Ylva Johanssson, très controversée, EDRi et sa campagne Stop Scanning Me ont démontré qu’en dépit de son objectif annoncé de traquer les contenus pédocriminels en ligne, le projet n’est ni légitime ni réaliste.
(...) 1. D’après le projet de règlement, les communications privées de tout un chacun pourraient être scannées à l’aide de filtres douteux fondés sur de l’intelligence artificielle, pour voir si les messages contiendraient des contenus pédopornographiques. Il s’agit là d’un cas parfait de surveillance de masse qui, en plus d’être contraire au principe de la présomption d’innocence, n’est pas très efficace d’un point de vue mathématique. La Commission prétend que l’analyse resterait ciblée, mais nous expliquons ici pourquoi cela est faux.
2. La proposition exige que ce scan soit effectué par tous les services de messagerie chiffrés de bout en bout, tels que WhatsApp et Signal. Tous les spécialistes tech du monde entier sont catégoriques, une telle analyse ne pourrait pas se faire sans compromettre l’intégrité même des services chiffrés. Cela reviendrait à déployer un logiciel espion personnalisé sur les appareils de millions de personnes (ordinateurs ou téléphones). En plus d’être un cauchemar en matière de cybersécurité (à tel point que même les agences de renseignement mettent en garde contre cette mesure !), l’ONU et la Cour européenne des droits de l’Homme ont rappelé que compromettre le chiffrement constituerait une violation massive du droit à la vie privée de chacun.
3. Pour se conformer à cette proposition, les services de communication en ligne devraient probablement exiger que les utilisateurs se soumettent d’abord à une vérification d’âge. Il a pourtant été démontré que tous les outils actuels de vérification d’âge constituent une menace pour la liberté d’expression, l’indépendance et le droit à la vie privée. Par conséquent, de telles mesures risqueraient d’exclure systématiquement les personnes qui ne possèdent pas de documents d’identité numériques et pourraient également signer la fin de l’anonymat en ligne. Cela mettrait également en danger de nombreuses personnes : les lanceur·euses d’alerte, les militant·es, les personnes qui ont besoin de soins de santé, etc.
En bref, l’impact négatif de Chat Control sur la démocratie serait sans précédent. Et en légitimant ces pratiques dangereuses, l’UE enverrait au reste du monde un signal indiquant que la confidentialité des communications en ligne n’existe plus.
Pourquoi Chat Control est-il soudainement devenu un sujet d’actualité ?
Le 14 octobre 2025, le Conseil de l’UE (le regroupement des gouvernements des États membres de l’UE) votera sur le règlement CSAR. Ce vote encourage malheureusement les pays de l’UE à prendre officiellement position en faveur de ce texte.
Cependant, le projet Chat Control devra encore franchir plusieurs obstacles législatifs avant de pouvoir entrer en vigueur. (...)
L’importance des contre-pouvoirs démocratiques de l’UE
L’un de ces principaux contre-pouvoirs est que le Parlement européen, qui jouera un rôle majeur dans les négociations finales, a adopté une position forte sur ce texte en 2023. Avec l’accord de député·es venant de l’ensemble de l’éventail politique, le Parlement a adopté une position qui exclut la surveillance de masse, garantit que le chiffrement ne serait pas compromis et fixe des critères stricts quant à l’utilisation excessive des outils de vérification d’âge. Cela a son importance, car si le Conseil adopte une mauvaise position, nous compterons sur le Parlement pour nous protéger contre Chat Control pendant les trilogues. Cependant, le Parlement a historiquement moins de pouvoir dans ces négociations et le député rapporteur a laissé entendre qu’il pourrait assouplir sa position sur le chiffrement. Il est donc plus important que jamais que le Parlement tienne sa position.
Une autre bonne nouvelle est que, même après trois ans de discussions intenses, les gouvernements des pays de l’UE ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord sur la marche à suivre. Si certains pays favorables à la surveillance des communications, comme la Hongrie, l’Irlande, l’Espagne et le Danemark, ont soutenu sans faiblir les mesures d’analyse de masse des contenus et de contournement du chiffrement, de nombreux autres pays se sont inquiétés à juste titre. Par exemple, le Luxembourg, l’Autriche, l’Allemagne et la Pologne se sont toujours opposés à Chat Control et d’autres pays comme les Pays-Bas, la Slovénie, la Finlande, la Belgique, la République tchèque et l’Estonie ont tous pris position contre ou se sont abstenus à divers moments. (...)
Le moment est venu pour que les citoyens de toute l’UE fassent entendre leur voix. Faire entendre aux eurodéputé·es que nous soutenons la position du Parlement leur sera utile pour les éventuelles négociations futures. Plus encore, les gouvernements des États membres de l’UE doivent absolument entendre l’opposition populaire à toute mesure qui reviendrait à contrôler et surveiller les conversations. Le droit européen et international les oblige à s’opposer au règlement CSAR puisqu’il ne protège ni nos droits, ni nos libertés, ni notre sécurité. Le texte actuel du Conseil qui fera l’objet d’un vote en octobre est très loin de remplir ces objectifs.
Signez la pétition de la campagne Stop Scanning Me [coordonnée par le réseau EDRi, à l’origine de l’article et dont La Quadrature du Net fait partie] et rejoignez les milliers de personnes qui s’opposent à cette atteinte à la sécurité de nos communications. Dès que notre pétition aura atteint le seuil nécessaire, nous la remettrons aux décideurs politiques, comme nous l’avons déjà fait par le passé.
– EDRI (traduction DeepL .com/Translator)
Les enfants méritent un Internet sûr et sécurisé
Cher membre du Parlement européen,
Je me joins à 124 organisations de la société civile pour demander l’opposition au « règlement établissant des règles visant à prévenir et à combattre les abus sexuels commis sur des enfants » (règlement CSA) et la recherche d’une alternative compatible avec les droits fondamentaux de l’UE.
Les Nations unies et l’UNICEF affirment que la confidentialité en ligne est essentielle au développement et à l’épanouissement des jeunes, et que les enfants ne devraient pas être soumis à une surveillance généralisée. Le Collège royal britannique des psychiatres souligne que la surveillance est néfaste pour les enfants et que les politiques fondées sur l’autonomisation et l’éducation sont plus efficaces.
Si elle est adoptée, cette loi transformera l’internet en un espace dangereux pour la vie privée, la sécurité et la liberté d’expression de tous. Cela inclut les enfants mêmes que la législation vise à protéger.
La confidentialité, la sécurité et la liberté d’expression sont importantes pour apporter un soutien confidentiel aux victimes d’abus, pour développer notre autonomie et notre estime de soi, et pour accéder à la quasi-totalité de nos autres droits humains et civils et en jouir pleinement. Lorsque vous remettez fondamentalement en cause le fonctionnement d’Internet, vous le rendez moins sûr pour tout le monde.
Si elle est adoptée, la proposition de règlement CSA nuirait également aux lanceurs d’alerte, aux militants de l’opposition politique, aux syndicats, aux personnes souhaitant avorter dans des pays où cette pratique est criminalisée, à la liberté des médias, aux groupes marginalisés et à bien d’autres encore. Cela créerait un dangereux précédent en matière de surveillance de masse à travers le monde.
Pétition : Oui, je souhaite que la Commission européenne fasse davantage d’efforts pour traiter cette question cruciale d’une manière qui respecte la vie privée, la sécurité et la liberté d’expression. Ensemble, nous pouvons protéger les enfants tout en garantissant la confidentialité et la sécurité en ligne.