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France Culture
Avoir un père tortionnaire
#memoire #guerredAlgerie #racisme #colonialisme
Article mis en ligne le 21 octobre 2024

Isabelle trouve, alors qu’elle est encore enfant, des photos de son père en uniforme, hilare et fier devant des cadavres d’Algériens. Adulte, elle tente de se frayer un chemin loin de cette violence, dans la réconciliation et la réhabilitation de cette mémoire liée à la guerre d’Algérie.

(...) Isabelle grandit en France, entourée de gens "acquis à la cause hitlérienne". À l’école catholique, on lui apprend qu’il faut "aimer son prochain comme soi-même". Elle se rappelle les visites en Algérie, sa mère outrée par le fait que les jolies fleurs qui bordaient les chemins aient été "données aux arabes", son père en treillis militaire. "Mon père était revenu malade de la guerre d’Indochine. Il avait des crises terribles régulièrement, il devenait violent. [...] Pour un enfant, c’est de l’ordre de l’épouvante." Isabelle.

Pendant ses crises, le père d’Isabelle regarde des photos, soigneusement rangées dans une boîte qu’il cache le reste du temps. Un jour où Isabelle est seule, elle en trouve la cachette.
"Je comprends que mon père est quelqu’un d’horrible lorsque je vois les photos sur lesquelles il pose avec fierté à côté de cadavres de gens torturés."

Choquée par cette découverte, et dans la crainte que ses parents ne la surprennent, Isabelle range la boîte dans un endroit différent. Celle-ci disparaît : ses parents ont compris. Adolescente, lorsqu’elle osera leur demander des comptes, ils en nieront l’existence. "Ça a confirmé ma lecture des adultes qui ne sont pas dignes de confiance. Mais une chose est sûre, c’est un traumatisme qui m’a accompagné pendant toute ma vie." Isabelle. (...)

En 2002, Isabelle écrit une lettre posthume à son père, publiée dans Télérama à l’occasion du 40ᵉ anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. (...)

Isabelle est devenue historienne et chercheuse. Elle a longtemps vécu avec la culpabilité d’être la fille d’un tortionnaire, et le besoin d’affirmer qu’elle s’était distanciée de sa famille. "Les mécanismes de reproduction existent. Mais si j’accepte de témoigner, c’est pour montrer qu’on peut faire autre chose de ce traumatisme. [...] Aujourd’hui, j’ai guéri de la culpabilité que je portais en étant la fille de celui qui a torturé et qui a fait du mal à l’Algérie." Isabelle.