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Aux États-Unis, le sort des forêts anciennes suspendu à la présidentielle
#USA #forêts
Article mis en ligne le 4 novembre 2024
dernière modification le 3 novembre 2024

Les forêts anciennes, trésor naturel des États-Unis, vivent sous l’épée de Damoclès de nouvelles coupes massives. Une victoire de Donald Trump à la présidentielle assombrirait considérablement leur futur.

(...) Récemment, l’administration Biden a davantage restreint l’exploitation des forêts anciennes et a lancé des nouveaux plans de gestion pour près de 130 forêts nationales. Mais un retour au pouvoir de Donald Trump risquerait fort de les remettre en cause, d’après The Guardian. Lors de son premier mandat, le républicain avait ré-autorisé l’exploitation des forêts anciennes, ouvrant aux compagnies près de 2,8 millions d’hectares de forêts nationales — une mesure jugée illégale par un juge fédéral. (...)

si la Californie a connu la ruée vers l’or, plus au nord, ce sont les arbres qui ont rendu riches les colons blancs, au tournant du XXᵉ siècle. L’industrie forestière et l’État ont vite marché main dans la main. Entre 1957 et 1965, la récolte de bois sur les terres fédérales a triplé. Johnny Cash fournit la bande son de l’époque, ancrant dans l’imaginaire la figure du bûcheron de l’Oregon, avec « Lumberjack », hymne que les travailleurs des bois reprirent en cœur dans les forêts. Les compagnies forestières étaient alors les reines du nord-ouest. (...)

Dans les années 60, les coupes sur les terres publiques ont dépassé celles sur des forêts privées. (...)

En réponse, les écologistes se sont enchaînés à des arbres lors du « Massacre de Pâques », en 1989, durant lequel des géants centenaires ont été décimés par le Forest Service étasunien, l’organe fédéral de gestion des forêts. Le duel entre les bûcherons et les militants a alors fait l’ouverture des journaux télévisés. (...)

Pour autant, malgré les coups d’éclat, les environnementalistes perdaient tous leurs procès, ou presque, plongeant la lutte dans l’impasse. (...)

Un oiseau est venu à leur rescousse : la chouette tachetée du nord. Elle ne vit que dans les vieilles forêts, et c’est ce qu’ont exploité les militants. Alliés aux scientifiques, ils ont réalisé que s’ils voulaient sauvegarder les forêts anciennes, il fallait prouver que sans elles, cette chouette ne pouvait survivre.

L’oiseau est devenu un symbole de lutte. Mais pour l’industrie, elle était la cible à abattre. Un t-shirt est devenu populaire en Oregon : « Sauvez un bûcheron, mangez une chouette ! » (...)

À la Maison Blanche, Bush père est aussi entré dans l’arène, tonnant qu’il était « temps de faire en sorte que les gens soient plus importants que les chouettes ».

Mais cette fois-ci, les écologistes ont eu le dernier mot. L’oiseau a été ajouté à la liste des espèces menacées en 1990. Quatre ans plus tard, le plan de Bill Clinton protégeait 40 % des arbres anciens autour de ses nids. Dans la foulée, l’exploitation forestière des forêts publiques de l’Ouest étasunien a chuté de plus de 80 % en vingt ans. (...)

La bataille n’a cependant jamais pris fin. Les forêts les plus vieilles — leur définition varie selon les États — sont en partie protégées, mais les « legacy forests », les forêts héritées, plus jeunes, qui comptent cependant des arbres déjà centenaires, sont toujours exploitées par le Forest Service.

Des sapins vendus pour des millions de dollars (...)

Ces derniers mois, la machine s’est cependant enrayé. Des ventes ont été suspendues. Les Troublemakers ont réussi à coincer un caillou dans la tronçonneuse. Leur stratégie ? Arpenter les parcelles pour retirer les repères visuels qui délimitent les zones à vendre. « Ça a marché ! On sait ce qu’on risque, de la prison, potentiellement. C’est un sacrifice » (...)

Quel bûcheron à la Maison-Blanche ?

L’avenir de ces forêts se joue donc aussi dans la bataille pour la Maison-Blanche. Quelle voix portera davantage ? Plus de protection ou d’exploitation pour les 130 000 km² de vieilles forêts sur les terres fédérales ? Le réchauffement climatique fragilise les forêts du nord-ouest, les rendant plus vulnérables aux infestations d’insectes. En ce moment, les aiguilles des sapins de Douglas virent au rouge, et les arbres meurent à une vitesse inédite en Oregon.

Kamala Harris, la candidate démocrate, n’a pas spécifiquement abordé la question des forêts. Pour cause : elle a consacré sa campagne aux « swing states », les États pivots, dont ne font pas partie ceux du nord-ouest. Son parti s’est toutefois engagé à réduire les menaces sur les « iconiques forêts anciennes » lors de sa convention estivale 2024.

« Trump pourrait retenter sa chance [d’ouvrir à l’exploitation les forêts fédérales protégées], mais il risque d’essuyer à nouveau une défaite, assure Patrick Mazza. Et il trouvera toujours des Troublemakers sur son chemin, s’il veut toucher aux forêts anciennes. » (...)