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Mediapart
Au cœur des témoignages #MeTooGarçons, les dégâts d’une « idéologie de la virilité »
#MeToogarçons #violencessexuelles
Article mis en ligne le 1er mars 2024
dernière modification le 28 février 2024

Sous le mot-dièse #MeTooGarçons, lancé par le comédien Aurélien Wiik, les témoignages d’hommes victimes de violences sexuelles affluent. Longtemps, ces récits ont été inaudibles, notamment en raison des stéréotypes liés à la masculinité.

Ce sont quelques lignes sur son compte Instagram qui ont déclenché une avalanche de témoignages. Le 22 février, le comédien Aurélien Wiik a révélé avoir été « abusé », de ses 11 ans à ses 15 ans, « par son agent » et avoir « porté plainte à 16 ans » car son agresseur « le faisait à d’autres » : « Je l’ai envoyé en prison, il a pris cinq ans. » Et l’acteur de 43 ans d’appeler d’autres victimes à se manifester, sous le mot-dièse #MeTooGarçons.

Depuis, les témoignages affluent. Des récits entiers, crus. Parfois des bribes, une date, un âge, un moment enfoui comme un traumatisme. Ou juste quelques mots, pour dire « moi aussi ». La plupart rapportent des violences subies lorsqu’ils étaient mineurs, de la part d’autres hommes.

« J’avais 12 ans, août 2001 ; 29 ans, mars 2019. » ; « J’avais 6 ou 7 ans. [...] Pas cru, un garçon ça se fait pas violer, voyons. Je sais précisément qui c’est. Quels gestes, quels mots, dans quel ordre. Maintenant ça va. Et ça ira ».

« Je crois que je ne pourrai jamais dire son nom, écrit sur X (ex-Twitter) un jeune auteur et metteur en scène. Je sais juste ce qu’il m’a fait. Je sais aussi que je le garde pour moi parce que cela détruirait d’autres personnes que moi-même. C’est terrible de pouvoir dire sans dire mais c’est le lot de beaucoup. » Sur le réseau social, un sociologue a aussi publié ces quelques mots : « De toute évidence pas prêt à en parler mais #MeTooGarcons. Content que le mouvement soit lancé. » (...)

Et puis il y a ceux qui avaient déjà parlé, et qui racontent leur sentiment de solitude à l’époque. (...)

Victime d’inceste entre ses 8 et 12 ans, et ancien membre de la Ciivise, Arnaud Gallais était d’abord « dubitatif » sur ce énième mot-dièse. Notamment parce que « 81 % des victimes sont des filles ». Mais il estime que le mouvement #MeTooGarçons « s’inscrit pleinement dans l’ère #MeToo » et dans le combat mené conjointement avec les « causes féministes ». « Il faut vraiment qu’on arrive à s’unir », a-t-il déclaré sur BFMTV, en soulignant le soutien de longue date d’associations comme Osez le féminisme, la Fondation des femmes, « qui sont aux côtés des hommes qui ont été victimes ».

Au-delà du soutien des associations, des élues féministes ont salué le courage de ceux qui ont pris la parole, comme la députée Sandrine Rousseau (Les Écologistes), les sénatrices Mélanie Vogel (Les Écologistes) et Laurence Rossignol (Parti socialiste). Celle-ci a rappelé le « soutien massif des femmes et des féministes » au mouvement #MeToo et s’est interrogée : « Où sont les hommes qui soutiennent #MeTooGarcons ? »

L’influence d’une « idéologie de la virilité » (...)

Alors que #MeTooGay posait des questions bien spécifiques et complexes sur « la question du consentement dans les milieux gays, les générations de culture du consentement », #MeTooGarçons, comme #MeToo, met sur la table la question « du rapport de force, qui est à la fois une différence d’âge et de pouvoir social », estime le sociologue Sébastien Chauvin, professeur associé à l’université de Lausanne, où il est codirecteur du Centre en études genre. (...)

« Souvent, un garçon, quand il est victime comme moi, se dit : “Pourquoi tu t’es pas débattu”, parce qu’on est dans une société où on a une représentation des hommes qui doivent savoir se battre, se défendre », a relaté Arnaud Gallais en rappelant les « mécanismes de sidération, d’emprise » qui sont à l’œuvre dans ces violences, ainsi que le statut de dominant de l’agresseur par rapport à sa victime.

C’est d’ailleurs en partie à cause de ces stéréotypes que les victimes masculines majeures saisissent moins la justice, comme le relève une étude publiée en 2017 par des universitaires lilloises qui évoquent une « invisibilisation » de ces viols, qui ne sont « pas sanctionnés judiciairement de la même façon » et font les frais d’une certaine « conception du viol ». (...)