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Mediapart
« Association de malfaiteurs » : trois mots au cœur de l’enquête libyenne
#Sarkozy #Libye
Article mis en ligne le 8 janvier 2025
dernière modification le 6 janvier 2025

Dans l’affaire libyenne, de façon inédite, les magistrats ont eu recours aux moyens juridiques utilisés, par exemple, contre le grand banditisme. En témoigne la qualification « association de malfaiteurs », qui vise notamment Nicolas Sarkozy.

De tous les délits présumés pour lesquels Nicolas Sarkozy va être jugé dans l’affaire des financements libyens, c’est le plus infamant. Il tient en trois mots : association de malfaiteurs. Jamais, dans l’histoire pénale française, un ancien président de la République n’avait été poursuivi pour cette incrimination, a fortiori pour des faits que l’accusation lui reproche d’avoir commis quand il était au sommet de l’État français, d’abord au ministère de l’intérieur puis à l’Élysée.

Quelques jours après sa mise en examen pour association de malfaiteurs en octobre 2020, qui a fait suite à trois précédentes en 2018 pour corruption, détournement de fonds publics et financement illicite de campagne électorale dans le même dossier, Nicolas Sarkozy s’était ému sur le plateau de BFMTV : « Je ne suis pas un pourri ! » Son cri d’indignation n’était pas sans rappeler celui du président américain Richard Nixon pris dans la tourmente du Watergate en 1973 : « I am not a crook ! » Traduction : « Je ne suis pas un truand ! »

Nicolas Sarkozy sait que ces trois mots – « association », « de », « malfaiteurs » – ont une charge particulière. Pour lui, pour son monde, pour l’opinion publique et même pour l’image de la France. Les différents procureurs du Parquet national financier (PNF) qui se sont relayés sur le dossier libyen ainsi que les juges d’instruction Aude Buresi et Virginie Tilmont, qui ont conclu l’enquête après une décennie d’investigations, dans le sillage de leur homologue Serge Tournaire, le savent aussi.

Dans leur rapport de synthèse du 24 août 2023, appelé « ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel » (ORTC) – il s’agit du document qui saisit formellement le tribunal pour un procès –, les magistrates ont justement écrit au sujet de l’association de malfaiteurs : « Si le nom de l’infraction apparaît de prime abord ne devoir s’appliquer qu’à des groupes criminels organisés de type mafieux ou terroristes, les éléments constitutifs de l’infraction et sa définition légale sont en réalité très larges et susceptibles d’englober des projets délictuels y compris en matière d’atteinte à la probité. »

Et de poursuivre : « En l’espèce, il apparaît suffisamment établi […] que plusieurs individus se sont associés autour du projet commun de récolter des fonds de manière illicite auprès de l’État de Libye et de les blanchir. […] Les participants au groupement avaient tous parfaitement conscience de prendre part à des actes préparatoires de corruption, de détournements de fonds publics au préjudice de l’État de Libye, et de blanchiment de ces délits même s’ils ne sont pas poursuivis pour chacune de ces infractions. »

D’après l’accusation, Nicolas Sarkozy se trouve au sommet de la pyramide. Pour son compte et sous sa responsabilité, ses deux plus proches collaborateurs, Claude Guéant (directeur de cabinet, secrétaire général de l’Élysée puis ministre de l’intérieur) et Brice Hortefeux (conseiller, ministre délégué puis ministre de l’intérieur), sont ainsi soupçonnés d’avoir pris part entre 2005 et 2012 à l’un des deux « groupements » caractérisant l’association de malfaiteurs présumée.

Selon les conclusions de l’instruction, chaque « groupement » était animé par un intermédiaire de l’équipe Sarkozy, Ziad Takieddine d’un côté, Alexandre Djouhri de l’autre. Chacun a travaillé en coulisses avec des dignitaires libyens inféodés à Mouammar Kadhafi, qu’il s’agisse du chef du renseignement militaire Abdallah Senoussi (pour Takieddine) ou du directeur de cabinet Béchir Saleh (pour Djouhri). (...)

D’un point de vue de technique juridique, l’association de malfaiteurs pourrait ressembler à un papier qui emballerait l’archipel de délits poursuivis par ailleurs dans l’affaire, comme la corruption, le détournement de fonds publics et le financement illicite de campagne. (...)