À chaque mission de l’Ocean Viking, des journalistes montent à bord pour témoigner, de manière indépendante, de la situation en mer. En octobre dernier, Esther Serrajordia, journaliste pour La Croix, a partagé le quotidien de l’équipe médicale. Dans un article sensible, ponctué de témoignages, elle décrit les consultations et les relations qui se tissent au fil de l’eau avec les personnes rescapées, et comment on peut soigner des personnes dont on ne parle pas la langue. Extraits.
Mercredi 30 octobre, une demi-journée à peine après le sauvetage de 25 personnes naufragées, le va-et-vient est incessant. En quelques heures, la médecin et l’infirmière, Tuulia et Païvi, 44 et 48 ans, toutes deux Finlandaises venues avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, reçoivent 18 des 25 rescapé.e.s. L’un d’eux, placé en salle d’observation, dort. Très affaibli, il ne tenait plus debout. L’un des marins, ancien infirmier, a dû l’aider à prendre une douche. (...)
Dans la clinique, l’équipe médicale utilise l’aide cruciale de Sahar, la médiatrice culturelle, mais il arrive que cette dernière ne connaisse pas le dialecte des personnes secourues. « Déjà que soigner dans une autre langue, c’est compliqué, là on passe à la difficulté supérieure », rapporte Caterina, cheffe de l’équipe médicale. « On utilise des outils. Par exemple, pour la gale, pathologie très fréquente chez les patient.e.s qu’on reçoit, nous avons des scripts dans toutes les langues possibles et imaginables. Ensuite, on parle avec les mains. »
Cette fois, au bout de la troisième visite à la clinique, la médecin Tuuli n’a même plus besoin de dire un mot lors des premières minutes de la consultation. La traductrice a retenu les questions à poser. (...)