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Mediapart
Accord avec le Mercosur : la France moins opposée qu’il n’y paraît
#Mercosur #UE #Macron
Article mis en ligne le 3 février 2024
dernière modification le 2 février 2024

Gabriel Attal et Marc Fesneau veulent bloquer l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Mais des ONG s’inquiètent d’une simple manœuvre dilatoire d’ici aux européennes. Décryptage d’une position française ambiguë.

Lors de sa conférence de presse, jeudi 1er février, Gabriel Attal en a rajouté une couche : « Il n’est pas question pour la France d’accepter ce traité. C’est clair, c’est net et c’est ferme », a-t-il lancé, au sujet du traité de libre-échange en chantier entre l’UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). (...)

Depuis une semaine, l’accord de libre-échange UE-Mercosur, dont les négociations, démarrées en 2000, ont été plusieurs fois interrompues puis relancées en 2016, a fait son retour dans le débat français. Soucieux d’envoyer des gages au monde agricole, Emmanuel Macron a formulé en fin de semaine dernière ses inquiétudes dans un SMS envoyé à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. (...)

D’après l’entourage du chef de l’État, cité par Politico lundi 29 janvier, la conservatrice allemande aurait conforté Macron, en « donnant l’instruction à ses négociateurs de mettre fin aux sessions de négociations en cours au Brésil ». Mais mardi, le porte-parole de l’institution bruxelloise, Éric Mamer, recadrait la France : « Les négociations sont toujours en cours [...], les contacts continuent. » Tout en précisant qu’à ce stade, « l’analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies ».

« Nous n’arrêtons pas, a répondu, de son côté, le chef de cabinet du commissaire au commerce, Michael Hagger. Nous n’allons pas déchirer d’un coup nos papiers pour rentrer chez nous et nous allonger dans un transat. Certainement pas. » En marge d’un déplacement en Suède mardi 30 janvier, Emmanuel Macron a répété son opposition au futur traité, car « il n’impose pas, aux agriculteurs et aux industriels du Mercosur, des règles qui sont homogènes avec les nôtres ».

La France peut-elle enterrer l’accord ?

En théorie, Paris ne peut pas, du jour au lendemain, bloquer l’avancée des négociations. Les ministres du commerce des Vingt-Sept ont donné de longue date un mandat aux équipes de la Commission (membres de la Direction générale du commerce, la puissante « DG Trade ») pour qu’elles prennent en charge la négociation des chapitres de l’accord avec leurs homologues brésiliennes ou argentines.

Une fois l’accord connu, il reviendra aux ministres de le valider ou de le rejeter. Tout comme, en parallèle, le Parlement européen, qui a lui aussi un droit de veto sur le texte. À ce stade, seul un accord politique, de principe, a été acté en 2019 entre l’UE et le Mercosur. (...)

Sur le papier, la France dispose d’options pour torpiller le texte. Elle peut notamment tenter de bâtir une minorité de blocage (qui implique l’alliance d’au moins quatre États), lors d’un futur conseil des ministres du commerce.

La position de Paris est-elle nouvelle ? (...)

Les sorties critiques de l’exécutif français depuis le début de la semaine sont plus bruyantes. Mais elles ne changent pas fondamentalement la donne. (...)

« Non en l’état » : pour temporiser jusqu’aux européennes ? (...)

En février 2023, une large majorité du Parlement européen (dont la délégation macroniste) a adopté une résolution sur la compétitivité et le commerce, qui précise, dans une rhétorique très vague : oui à l’accord de libre-échange avec le Mercosur, « à condition d’engagements préalables sur le changement climatique, la déforestation et sur des mesures répondant à d’autres inquiétudes ». D’où les inquiétudes d’ONG d’un retour de l’accord une fois les élections européennes de juin passées.

À cela s’ajoute le fait que l’Élysée, critique du Mercosur, n’hésite pas à défendre d’autres accords commerciaux. Les eurodéputé·es macronistes ont voté dans leur grande majorité les deux textes de libre-échange du mandat en cours, avec le Vietnam en février 2020 puis avec la Nouvelle-Zélande en novembre 2023. (...)

Quant au Ceta, avec le Canada, il a été voté par la majorité macroniste à l’Assemblée nationale à Paris, en juillet 2019. Mais le gouvernement se refuse à le mettre à l’agenda du Sénat, faute de majorité pour l’y adopter. (...)