L'excitation et même l'hystérisation que provoque Eric Zemmour ne doivent pas nous empêcher de penser lucidement la situation. Arrêtons de courir après les leurres lancés par le capital. Ce texte de l'an passé n'a pas vieilli me semble-t-il :https://t.co/33K2zZ6YlP
— Jadran Svrdlin (@JSvrdlin) September 19, 2021
Après une nouvelle sortie remarquée d’Eric Zemmour, une vague de protestations s’est soulevée. Les uns réclamant sa condamnation, d’autres manifestant pour son licenciement. La journaliste Christine Kelly est pointée également du doigt. Le problème est que ces personnes ne sont que des symptômes d’une société médiatique confisquée par les puissants. (...)
Condamner les propos de M Zemmour est nécessaire. Si la justice est saisie, elle devra faire son travail de ce point de vue. Mais tout le reste de ce débat a-t-il une quelconque utilité si on se contente de traiter uniquement les symptômes d’un mal beaucoup plus profond ?
A propos de M Zemmour et de son rôle il serait judicieux d’avoir un point de vue un peu plus large que sa petite personne. Tout d’abord, si cet homme a l’occasion de s’exprimer autant, c’est qu’on lui a proposé de le faire. Avoir une émission quotidienne à une heure de grande écoute n’est pas donné à tout le monde. Il s’agit donc de chercher des raisons plus profondes à tout cela.
Il n’est pas inutile de rappeler que nous vivons dans une société capitaliste où les grands médias sont la propriété des gens les plus riches. Mais aussi que nos gouvernements successifs mènent tous une politique qui satisfait tant de désirs des plus riches sans aucun égard pour les conséquences que cela peut avoir sur le reste de la population. Et ces gens très riches ont besoin que les politiques continuent d’appliquer les mêmes méthodes pour permettre leur enrichissement sans fin. S’ils acquièrent des médias, ce n’est donc pas par amour de la liberté d’expression mais par celui du profit. (...)
On peut donc imaginer que M Zemmour a droit à son émission quotidienne justement parce que les sujets dont il traite avec obsession depuis des années sont des sujets à placer sur le devant de la scène.
Inversement, pour écarter des sujets indésirables, des moyens existent : couper les revenus publicitaires, licencier des journalistes récalcitrants, saboter des émissions qui dérangent puis les supprimer faute d’audiences1 ... (...)
La puissance publique étant du même côté on peut voir aussi des arrestations de journalistes indépendants. Le service public n’est pas en reste avec son maquillage qui laisse tout de même apparaître une ligne idéologique : le choix, par exemple, de laisser à Dominique Seux le monopole de l’édito économique de France Inter et faire croire à une pluralité en lui opposant un autre économiste une fois par semaine est un choix réfléchi ; le sort réservé à Frédéric Taddéi, qui a eu l’idée saugrenue d’inviter ces penseurs médiatiques (Attali, Giesbert, Kahn, Zemmour...) et de leur opposer des gens sérieux mais rarement médiatisés (Lordon, Stiegler, Friot...) pour créer de vrais débats de fond, est révélateur...
Si on se place un instant du côté des élites, on s’aperçoit que les sujets de M Zemmour ont un double avantage :
1 - Trouver des boucs émissaires (...)
Les chiffres sur l’accroissement permanent des inégalités sont connus. Que faire à la place de ceux qui veulent perpétuer ce système ? De nombreuses manœuvres sont possibles mais puisque nous sommes en démocratie tant chérie, une des plus utilisées est la diversion. Porter des accusations contre tout un tas de gens pour éviter qu’elles ne soient portées à leur encontre. Un des rôles de M Zemmour est donc là : faire croire que les problèmes sont causés par les immigrés et les musulmans.
D’autres pantins médiatiques trouvent d’autres cibles : chômeurs, syndicalistes, fonctionnaires... Certains font mêmes des combos en dénonçant toutes ces catégories à la fois. Il y a une constante : il s’agit toujours des gens plus faibles et beaucoup moins riches que les grands patrons de presse.
Et ça marche !
2 - Gagner les élections (...)
Si l’information est un droit fondamental, au même titre que la sécurité, l’éducation ou la santé, elle n’a rien à faire dans les mains de ceux qui n’ont de considération que pour leurs profits.
Le chemin emprunté va dans le sens inverse. C’est la santé et l’éducation qu’on risque de privatiser très bientôt avec ce genre de gouvernement et on continuera à payer la police avec nos impôts pour qu’ils protègent les intérêts des plus riches.
Et les belles paroles journalistiques sur la défense acharnée de la liberté2 n’amuseront plus personne.
Sans toucher aux problèmes structurels, on ne peut se débarrasser des symptômes qui réapparaîtront tôt ou tard. (...)