
La Freedom of the Press Foundation (fondation pour la liberté de la presse) diffuse l’enregistrement du témoignage, devant un tribunal militaire, du soldat Bradley Manning accusé d’avoir transmis des centaines de milliers de documents confidentiels à Wikileaks. L’occasion de découvrir les motivations de l’auteur d’une des plus importantes fuites de documents officiels de l’histoire.
(...) Bradley Manning (25 ans) spécialiste du renseignement militaire, basé en Irak, avant d’être arrêté, à Bagdad, le 26 mai 2010, a témoigné pendant une heure et demie devant un tribunal militaire de la base de Fort Meade le 28 février dernier. Des journalistes étaient présents dans la salle. Malgré l’interdiction de toute photo, vidéo ou enregistrement, un enregistrement audio de ses propos a pourtant été effectué et diffusé cette semaine par la Freedom of the Press Foundation sur son site. (...)
Cette audition précède le procès qui n’a pas commencé. Manning passera devant une cour martiale à partir du 3 juin prochain pour une durée de 12 semaines. Le 28 février dernier, Manning a plaidé coupable pour une dizaine des vingt deux chefs d’inculpation, pour lesquels il risque vingt ans de prison. Outre cette vingtaine d’accusations, s’il est reconnu coupable d’avoir "aidé l’ennemi" au titre de l’article 104, ce qu’il ne reconnaît pas, il risque la prison à vie, sans possibilité de remise de peine.
Plusieurs observateurs estiment que le gouvernement américain a choisi la charge plus grave (collaboration avec l’ennemi) pour dissuader tous ceux qui seraient tentés d’utiliser, comme Manning, des appareils de stockage amovibles ou Internet pour recopier et diffuser des documents officiels. (...)
Il existait déjà des retranscriptions écrites (non officielles) des propos de Manning, mais c’est la première fois que l’on entend sa voix, que l’on découvre ses propos dans leur formulation exacte et dans leur intégralité. Manning a lu devant le tribunal, son témoignage écrit (35 pages). Il justifie son action par la volonté de provoquer un débat aux USA sur "la politique étrangère américaine". Il ajoute qu’il a été en contact avec quelqu’un qu’il pense être Julien Assange, le fondateur de Wikileaks, mais qu’il a agi de son propre chef, et qu’il n’a jamais reçu de directives de Wikileaks.
Cette dernière précision n’est pas un détail, car un grand jury fédéral (juridiction civile contrairement à celle de Fort Meade qui est militaire) enquête, par ailleurs, sur une éventuelle conspiration de Julien Assange et les autres membres de Wikileaks, avec Manning.
Pour le New York Times, lorsqu’il a témoigné à Fort Meade, Manning a donné une explication cohérente des motivations de sa démarche. Il était horrifié par les dégâts humains collatéraux de la lutte contre l’insurrection et le terrorisme, et voulait, dit-il, dévoiler "le vrai coût des guerres en Irak et en Afghanistan".
Avant de transmettre à Wikileaks les documents auxquels il avait accès, Manning dit avoir essayé de contacter le Washington Post, le New York Times, et le quotidien Politico, spécialisé dans la vie politique de Washington. (...)
En attendant le procès de Manning en juin, un groupe de journalistes représentés par le Center for Constitutional Rights (CCR) a engagé une procédure devant la justice pour obtenir un accès normal à cette affaire.
Le CCR souligne que le juge a lu les conclusions du tribunal pendant deux heures à toute vitesse (180 mots/minute) empêchant les journalistes de prendre correctement des notes, alors qu’il est interdit d’enregistrer, et que contrairement à l’habitude, ces conclusions n’ont pas été rendues publiques sous forme écrite.
Le CCR ajoute que les rares documents de la procédure contre Manning qui ont été rendus publics contiennent systématiquement des passages censurés de manière ridicule, alors qu’ils font souvent référence à des informations publiques, non couvertes par le secret.