
Après une décennie de rachats frénétiques de domaines bordelais, les investisseurs chinois rebroussent chemin. Le tour de vis des autorités chinoises contre les sorties de capitaux y est pour beaucoup. Mais aussi le choc des cultures avec les employés français, analyse “Bloomberg”.
Il y a peu, sur la terrasse ouvrant sur la baie, on voyait encore flotter en haut d’un mât l’étendard de son ancien propriétaire – la plus grosse entreprise de Chine continentale [à capitaux majoritairement publics] cotée en Bourse.
Le groupe Kweichow Moutai a acquis cette propriété du XVIIe siècle en 2013 afin de produire du vin à destination de la classe moyenne émergente chinoise. Son incapacité à tenir ses engagements a toutefois précipité la faillite du vignoble, qui a été revendu en mars dernier à une entité française. Aujourd’hui, les nouveaux propriétaires tournent la page sur la décennie perdue de Loudenne, où il ne reste pratiquement plus aucun souvenir de l’ancien maître des lieux, à l’exception d’une bouteille de baijiu, l’alcool blanc de prédilection des Chinois, exposée dans l’un des salons. (...)
La mésaventure de Moutai à Loudenne n’est que l’un des nombreux exemples des espoirs déçus des investisseurs chinois, qui, ces dix dernières années, ont engagé des millions de dollars dans des vignobles français, alléchés par des réussites comme celles de Jack Ma, patron du géant chinois du commerce électronique Alibaba, et l’actrice Zhao Wei, vedette du cinéma chinois. Pour ces nouveaux riches chinois, entrer dans le cercle des grandes fortunes venues des États-Unis, du Royaume-Uni et d’ailleurs pour racheter des vignobles du Bordelais constituait le symbole suprême de la réussite sociale.
Frein sur l’expansion des Chinois à l’étranger
Or un faisceau de circonstances défavorables – la campagne des autorités de Pékin contre les dépenses ostentatoires et les sorties de capitaux, la pandémie et le choc des cultures avec les employés français – leur a barré la route de la réussite. Alors qu’ils avaient été pendant dix ans les premiers investisseurs étrangers du marché, ils sont actuellement en train de disparaître rapidement du paysage. (...)
Depuis quelques années, la Chine surveille en effet de plus près les dépenses d’acquisition de ses plus gros groupes (...)
De plus en plus d’hommes d’affaires chinois qui ont investi dans des domaines viticoles français cherchent aujourd’hui désespérément à se désengager. Beaucoup ont essuyé des échecs bien plus cuisants que Moutai à Loudenne. (...)
Cette anecdote 😅 : des investisseurs chinois ayant racheté des vignobles bordelais ont été surpris par la culture de travail française. Ils ont tenté d'instaurer la méthode chinoise, mais les choses ne se sont pas tout à fait déroulées selon le plan.https://t.co/boQzqe751X pic.twitter.com/8duOLFiVk3
— Aymeric Pontier (@aympontier) November 12, 2022