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Voyage dans l’invisible avec les chamanes du Grand Nord
Voyager dans l’invisible – Techniques chamaniques de l’imagination, de Charles Stépanoff (La Découverte, 468 pages, 23 euros)
Article mis en ligne le 4 août 2020
dernière modification le 2 août 2020

En explorant les techniques chamaniques du Grand Nord européen et asiatique, l’ethnologue Charles Stépanoff mène une réflexion vertigineuse sur la façon dont les modernes, en réduisant le réel au visible, se sont privés de pans entiers des fonctions imaginatives.

(...) L’ouvrage de l’anthropologue Charles Stépanoff, paru à La Découverte à la rentrée dernière et intitulé Voyager dans l’invisible – Techniques chamaniques de l’imagination, constitue un parcours saisissant et érudit au sein de nombreux peuples du Grand Nord de l’Europe et de l’Asie. (...)

Mais il est avant tout, ainsi que son titre l’indique, un voyage dans l’invisible, entendu non seulement comme ce que nos yeux d’Occidentaux et de modernes ne savent plus regarder, mais défini plus anthropologiquement et généralement comme « un ensemble d’entités et d’espaces qui, pour une société donnée, ne sont habituellement pas considérés comme accessibles à la vision ordinaire mais peuvent l’être pour une forme de vision spéciale, non oculaire », dixit le chercheur.

Charles Stépanoff rappelle que, bien que la simple vision mentale d’une personne nous faisant une piqûre puisse faire frissonner notre épiderme, « dans la pensée occidentale, l’imaginaire s’oppose par définition même au réel ». Contre cette dichotomie, l’anthropologue juge que le « chamanisme est l’une des méthodes les plus originales et les plus saisissantes que les hommes ont inventées pour se transmettre des images invisibles et se projeter collectivement dans des mondes virtuels, distincts de l’ici et maintenant ».

Il étudie donc les « civilisations de l’invisible » bâties par les peuples du Nord, et dont la puissance, encore bien réelle à l’aube du XXe siècle, a été en grande partie éradiquée par le pouvoir des États modernes, non seulement en URSS, mais aussi au Canada ou aux États-Unis.

Sa thèse repose sur l’idée que « les pratiques chamaniques, aussi éloignées du délire extatique que de la simulation calculée à quoi les ont réduites bien des interprétations savantes, cultivent de façon virtuose des aptitudes mentales qui sont communes à tous les êtres humains, mais dont nos sociétés ignorent la puissance ». Les Tuva ont ainsi expliqué à Stépanoff « qu’il y a aussi des chamanes en France et que, simplement, nous ne savons pas les repérer ». (...)