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Vous jardinez, et soudain, quelque chose vous éblouit
Petites graines & belles plantes 3/5
Article mis en ligne le 31 mars 2018

Un des grands paradoxes du jardin c’est qu’on parle très peu de sa poésie. Feuilletez tous les magazines français, l’angle est presque toujours le même. Mois après mois, on vous explique ce qu’il faut faire, comment tailler les rosiers ou les arbustes, comment semer au potager –c’est essentiellement du « How to... ». Ce qui est bien sûr important. Même un jardinier aguerri apprend continuellement au cours de sa vie.

Et comme notre société oublie de plus en plus vite les automatismes d’autrefois, c’est une course interminable entre l’information et la perte des savoirs. Les jeunes générations qui n’ont pas grandi dans un environnement naturel ne connaissent pas toujours le nom des légumes. Elles ne savent pas reconnaître les familles des arbres ni comment poussent les fruits du marché. Et les fleurs leur semblent appartenir à un monde obscur.

(...) Quand on se promène dans un jardin avec un néophyte, on réalise que les gens n’osent plus toucher les plantes. Comme s’ils avaient peur de se salir ou comme si la plante allait les mordre. Devant un pied de sauge sclarée au parfum musqué, un pied d’origan ou de plante à curry, on doit leur dire : « Mais tu peux y mettre la main ! »

Quand je me suis installé à la campagne en 2002, les amis qui venaient le week-end faisaient toujours au moins une promenade dans la campagne. Aujourd’hui ils restent à l’intérieur avec leur ordi ou leur portable. On ne peut rien y faire, c’est comme ça. (...)

Le spectre des OGM a changé notre attitude face aux champs illuminés de colza de la Beauce ou les tournesols du Gers. Et les vaches dans les près, c’est maintenant le symbole de la méfiance sur la qualité du lait et le rappel des images-choc des abattoirs. Bref, il est devenu très difficile de détourner les esprits du risque écologique en leur montrant à quel point la nature est belle et généreuse. C’est malgré tout ce qu’a réussi à faire d’une manière magistrale le livre de Peter Wohlleben, La vie secrète des arbres. Ou Jardins de l’autoroute, qui parle de la beauté des bords d’autoroute et de toute la végétation qui s’installe comme elle peut dans ces habitats difficiles. (...)

Le plus beau, ce sont ces moments parfois subits, ou même hagards, où vous vous approchez d’une fleur des champs... et elle crie, littéralement, pour attirer votre attention : « Prends-moi ! Prends-moi ! »

Un arbre différent surgit dans la forêt et vous vous sentez obligé de caresser son écorce. C’est le message d’Henry David Thoreau dans Walden, cette affection transcendantale pour la mousse qui tapisse le sol, les frondes des fougères qui se déroulent au printemps, les milliers de pétales qui tombent des merisiers, le soleil qui se couche en hiver.

Vous êtes alors immobile comme un chien à l’arrêt. Vous perdez la notion du temps. (...)

C’est comme ramasser des coquillages sur une plage. Quelque chose qui vous nettoie la tête. On peut créer un mystère dans tous les jardins, même les plus petits.