
Face aux projets d’immenses zones commerciales qui artificialisent toujours davantage de terres agricoles et menacent la biodiversité, citoyens et riverains se mobilisent, déposent des recours en justice et élaborent des projets alternatifs.
Il y a cinquante ans, des mastodontes de béton sortaient du sol pour s’ancrer dans les habitudes des Français : les centres commerciaux. C’était l’époque des Trente Glorieuses, du boom démographique, de la croissance économique sans limite apparente, de la voiture reine. Celle aussi de la transformation des citoyens en consommateurs (...)
Un demi-siècle plus tard, les mentalités et les modes de consommation ont changé, notamment avec les achats en ligne et l’arrivée du drive. Une étude de l’Observatoire société et consommation (ObSoCo) d’octobre 2018 indique que les Français ont réduit leur fréquentation des espaces commerciaux. « La bonne nouvelle, contre-intuitive, est que les commerces des petites villes et des bourgs échappent à cette tendance […]. L’avenir de l’urbanisme commercial s’écrira à travers la fermeture de certains mètres carrés de surfaces commerciales qui n’auront pas su faire leur mue », conclut l’observatoire.
« Il faut arrêter de créer des zones à urbaniser et faire un audit des zones urbanisées pour identifier celles qui doivent redevenir agricoles et naturelles. C’est un choc de simplification ! » décrypte Tanguy Martin, médiateur foncier pour Terre de liens, association née pour préserver le foncier agricole et aider à l’installation de nouveaux agriculteurs biologiques. (...)
Selon le dernier bilan de l’Observatoire national de la biodiversité, plus de 500 000 hectares de sols ont été bétonnés entre 2006 et 2015. Le rapport glaçant de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sur l’effondrement du vivant à l’échelle mondiale a identifié l’artificialisation des sols comme une des cinq grandes menaces pour la biodiversité. Pourtant, depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, qui a inscrit la lutte contre l’artificialisation dans la loi, plusieurs politiques françaises s’y sont attelées. (...)
Plus récemment, le plan biodiversité de Nicolas Hulot a renouvelé l’objectif de « zéro artificialisation nette »… sans date butoir. « Le terme “nette” brûle les doigts car il implique l’idée de la compensation. Or on ne sait pas transformer un espace bétonné en espace agricole ! Seules les anciennes carrières peuvent être renaturées et revenir à l’agriculture pour du pâturage, précise Tanguy Martin. Ces mesures de compensation seraient acceptables pour les dérogations liées aux logements sociaux en zone tendue, mais elles devront être très restrictives et ne pas être financières pour évacuer toute monétisation de la nature. »