
Jean-Luc Mélenchon a le vent en poupe et le succès populaire des meetings organisés par le Front de Gauche commence à être enfin remarqué par les médias. Le rassemblement de la Bastille du 18 mars dernier pouvait difficilement passer inaperçu et il a, semble-t-il, engendré une dynamique nouvelle qui déplace les foules et suscite un intérêt croissant de la part des commentateurs politiques.
Cette dynamique s’appuie sur l’espoir, sur la volonté de refonder ensemble une vie collective et de ne pas plier devant toutes les contraintes présentées comme indéfectibles par les candidats de l’ordre établi. Jean-Luc Mélenchon, en parlant avec fierté aux gens, leur redonne l’envie de se battre.
En cela, il adopte une stratégie radicalement différente de celle qu’a choisie François Hollande qui parle plus volontiers de rassemblement et de France pacifiée.
Mais, après tant de combats perdus, après tant de régressions, le candidat des socialistes peut-il susciter l’enthousiasme en proposant « la paix des braves » dans un univers dévasté ? Peut-il entraîner derrière lui les français en leur promettant une France unie sous la domination des industriels et des financiers ? Peut-il dynamiser la gauche en annonçant, à mots couverts, des mesures d’austérité sans précédent pour rembourser, à marche forcée, des banques qui s’apprêtent à étendre encore davantage leur contrôle sur les peuples avec la mise en place du nouveau traité européen ?
Les innombrables manifestants qui sont descendus dans la rue pendant les années « Sarkozy » savent bien que le futur Président devra se montrer particulièrement combattif s’il veut désarmer les puissances d’argent. Les intérêts de l’oligarchie financière qui inspire les politiques néolibérales ne sont pas ceux du peuple et le futur pouvoir fera des mécontents.
François Hollande s’emploie pourtant à rassurer avant même d’avoir combattu, sans doute effrayé lui-même par ses quelques accès de témérité, pourtant vite maîtrisés et relativisés. Il veut garder son cap dans des eaux tranquilles mais « la rivière est sortie de son lit » ; il ne perçoit pas que les forces de gauche ont aussi besoin de paroles volontaires et d’accents guerriers pour effacer l’humiliation collective subie sous les gouvernements de droite.
L’insurrection civique prônée par Jean-Luc Mélenchon est une nécessité mais aussi une thérapie de groupe : c’est dans le choc frontal assumé et revendiqué que le peuple de gauche peut retrouver sa dignité, reprendre son destin en main et susciter un engagement de masse. Menacé, François Hollande a tendance à se draper dans sa dignité de représentant du parti majoritaire et invoque de plus en plus fréquemment ce fameux vote utile. C’est une stratégie de petit boutiquier sans avenir : profiter au maximum de l’enseigne sans rien changer à la qualité des produits ne permettra pas de résister longtemps à la concurrence « libre et non faussée » du Front de Gauche.
Car « la pression Mélenchon », pour reprendre le titre du journal Libération du jeudi 29 mars, c’est la pression du peuple : Jean-Luc Mélenchon n’est que l’incarnation talentueuse mais passagère d’une aspiration à un vrai changement ; voter Mélenchon, ce n’est pas voter pour un nouveau président de la Vème, c’est voter pour une VI ème République, c’est voter pour une Constituante et c’est aussi voter pour une refondation sociale et écologique de la gauche toute entière.