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Un silo de sucre et de dédain
Article mis en ligne le 13 avril 2019
dernière modification le 11 avril 2019

Le 13 mars 2012, Vincent Dequin, 33 ans, et Arthur Bertelli, 23 ans, cordistes, meurent ensevelis sous des tonnes de sucre. Le 11 janvier 2019 s’ouvre le procès de leur accident au tribunal correctionnel de Reims. Sur le banc des prévenus, deux personnes physiques : Michel Mangion et David Duval, respectivement chefs d’établissement des entreprises Cristal Union et Carrard Services, son prestataire. Et deux personnes morales, ces mêmes entreprises, représentées par leurs avocats. Après sept ans d’instruction, la lumière sera-t-elle faite sur les circonstances de ce drame ?

Qui est le responsable du plan de prévention, Monsieur ?

– Le chef d’établissement.

– Donc en tant que chef d’établissement, Monsieur, vous avez lu ce plan de prévention ?

– Oui.

– Et vous l’avez signé ?

– Oui.

– Monsieur, n’avez-vous pas vu que le nom qui apparaît en bas de ce document n’est pas le vôtre ? Mais celui de votre prédécesseur ? Que c’est donc un mauvais copié-collé ? »

Tout empreint de son calme olympien, le jeune substitut du procureur se rassoit. Il n’attend pas de réponse à ces dernières questions. À la barre, Michel Mangion, le directeur de la sucrerie Cristal Union de Bazancourt (Marne) au moment de l’accident, reste tourné vers lui. L’air égaré. Le corps à la dérive.

Le président reprend la main. Les réponses de Michel Mangion sont bredouillées plus que déclamées. Les mots s’entrechoquent, se bousculent, se chevauchent, hésitent. À cet instant, il est où le directeur d’usine dynamique ? L’inébranlable décideur, à l’assurance conférée par les prérogatives d’une hiérarchie protectrice ? Ici, il est le mauvais élève pris en faute, face à ses maîtres. S’efforçant de minimiser ses responsabilités, ses manquements. Les rejetant même sur l’autre prévenu, David Duval, directeur de Carrard Services, entreprise de nettoyage qui envoyait des cordistes chez Cristal Union.

D’ailleurs cette audience ne sera que cela. Le rejet de la faute les uns sur les autres. (...)

À quel titre comparaissent Michel Mangion et David Duval ? Ils ne sont ni les propriétaires des usines qui les emploient, ni les PDG. Où sont les gens qui trônent au sommet de ces pyramides ? (...)

C’est qu’ils ont pris bien soin de faire signer à leurs directeurs d’usines des délégations de pouvoir. Leur laissant le loisir de représenter physiquement l’entreprise auprès des tribunaux en cas d’accident grave. Olivier de Bohan, héritier de la lignée du même nom, assis tout en haut de la pyramide Cristal Union, ne verra jamais dans la presse son prestigieux patronyme associé à ce genre d’affaire. Embarrassante, il faut bien le dire.

À l’assemblée générale des coopérateurs de Cristal Union, Olivier de Bohan, titillé au sujet des ouvriers décédés sur ses sites de production, lâchera un brin fataliste : « Évidemment que je suis au courant. Évidemment qu’on a… manifesté des soutiens et… Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Dans la vie des entreprises, y a ce type d’accident, ça peut arriver, malheureusement, ça peut arriver. » (...)

C’est qu’ils ont pris bien soin de faire signer à leurs directeurs d’usines des délégations de pouvoir. Leur laissant le loisir de représenter physiquement l’entreprise auprès des tribunaux en cas d’accident grave. Olivier de Bohan, héritier de la lignée du même nom, assis tout en haut de la pyramide Cristal Union, ne verra jamais dans la presse son prestigieux patronyme associé à ce genre d’affaire. Embarrassante, il faut bien le dire.

À l’assemblée générale des coopérateurs de Cristal Union, Olivier de Bohan, titillé au sujet des ouvriers décédés sur ses sites de production, lâchera un brin fataliste : « Évidemment que je suis au courant. Évidemment qu’on a… manifesté des soutiens et… Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Dans la vie des entreprises, y a ce type d’accident, ça peut arriver, malheureusement, ça peut arriver. » (...)

Le 1er mars, le délibéré tombe, suivant peu ou prou les réquisitions du procureur. Six mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour Michel Mangion et David Duval ; deux ans de placement sous surveillance et 100 000 € d’amende pour les deux entreprises.

Les quatre défendeurs ont interjeté appel de cette décision. Fidèles à leur ligne de conduite à l’égard des proches d’Arthur et Vincent depuis l’accident. Exempte de respect, d’humanité et de la moindre parole de soutien.