
Aris Messinis, photojournaliste de l’AFP, couvre la crise des migrants à Lesbos, une île grecque qui fait face à un vertigineux afflux de réfugiés venus de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak et d’Erythrée. Et de là, il raconte de manière bouleversante la difficulté d’assister à des « scènes de guerre » dans un pays en paix.
Entre des photos de bébés échoués sur le rivage, de réfugiés hurlant, de gens heureux aussi d’être enfin arrivés, Aris Messinis écrit :
« Ce qui me choque le plus dans cette couverture, c’est de me dire qu’on n’est pas en zone de guerre. Qu’on travaille en zone de paix. Mais les émotions qui passent par mon objectif sont dignes d’une scène de guerre.
J’ai travaillé en Syrie et en Libye. Photographier la guerre, je connais. Quand on va là-bas, on s’attend à ce genre de scènes. Mais pas à Lesbos.
A Lesbos, la souffrance humaine ne diffère pas de celle qu’on croise dans une guerre. De savoir que ce n’est pas le cas rend les choses encore plus émotionnelles. Et beaucoup plus douloureuses.
C’est dur aussi d’avoir à traduire les difficultés des gens, leur souffrance, alors qu’on ne court soi-même aucun danger. Quand on couvre une guerre, on est menacé aussi, alors on est d’une certaine façon davantage sur un pied d’égalité avec les gens qu’on photographie. Mais ici, on ne risque rien. C’est pourquoi, souvent, je lâche le boîtier et j’aide. C’est un besoin. »
Lesbos, comme l’expliquait Reuters le 10 novembre, est « l’épicentre d’une crise migratoire qui ne fait que prendre de l’ampleur. Environ 125.000 réfugiés sont arrivés à Lesbos depuis la Turquie en octobre, deux fois le nombre d’août, selon l’International Rescue Committee (IRC). (...) Plus de 791.000 sont arrivés par la mer depuis janvier ».
Mais pour s’occuper d’eux ? Rien de concret n’est mis en place, ce sont des volontaires qui font tout. (...)