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Un an de covid, je ne suis pas morte mais c’est tout comme
/Lapsyrevoltée
Article mis en ligne le 14 mars 2021

Je suis psychologue, je travaille en libéral en région parisienne. Infectée par le covid dans l’exercice de ma profession en mars 2020, je souffre de ce qu’on appelle désormais le covid long depuis un an. J’ai crée le #ApresJ20, devenue association des malades du covid long.

11 mars. 1 an de covid.

Il y a un an tout pile, je m’apprêtais à fêter mon anniversaire 2 jours plus tard. Pour la première fois, j’avais décidé d’organiser une petite fête dans un bar parisien. Depuis quelques jours, je me sentais un peu patraque, comme si je couvais quelque chose. J’avais la gorge un peu prise. Et puis le 11 mars, j’ai eu de la fièvre.

J’ai annulé ma fête d’anniversaire et je me suis confinée. Le 13, le jour de mes 33 ans, je commençais déjà à sentir que la toux m’était descendue dans les poumons. Le 16, j’avais une pneumonie visible à la radio. Je toussais du sang, j’avais un peu de mal à respirer mais surtout, je me sentais bizarre. Plus de goût, plus d’odorat, des espèces de convulsions.

Début avril, j’ai eu quelques jours de mieux. Je me souviens que j’ai planté des radis de 18 jours en me disant que le jour où je les mangerais, tout ça ne serait qu’un mauvais souvenir. Et puis, ça m’est tombé dessus d’un coup. J’étais en train de parler et je me suis rendue compte que j’étais essoufflée, que mon cœur battait vite, que j’avais mal partout. Il y a eu cette phase de fatigue si intense que je ne pouvais pas lever ma fourchette, pas me doucher, pas monter les escaliers. Je me réveillais la nuit en pleurant de douleur, j’avais l’impression d’être passée sous un bus, que quelqu’un était en train de m’arracher les clavicules, je n’arrivais plus à respirer, un éléphant était assis sur mon thorax et mon cœur battait si fort et si vite que mon t-shirt se soulevait.

J’ai appelé le 15, j’ai fini à l’hôpital avec une anomalie du rythme cardiaque. A l’époque, il n’y avait pas de test, pas de sérologie, pas de masque à l’hôpital, pas de traitement. (...)

jusqu’à juin, j’ai été hospitalisée une autre fois mais, surtout, j’ai été énormément maltraitée. J’ai rencontré des dizaines de médecins et quasiment aucun ne m’a crue. J’ai essayé tous les positionnements (rationnel, émotif, argumenté, obéissant, documenté, faussement naïf), tous les abords (parler de mon métier de soignante, ne rien dire, cacher des parties de mon historique médical comme le PTSD ou au contraire être totalement transparente) A CHAQUE FOIS le résultat a été le même. J’ai vu des médecins qui m’ont traitée d’hystérique affabulatrice, des médecins qui m’ont examinée sans ménagement comme si mon corps était de la viande, des médecins qui m’ont fait monter 5 étages à pieds avec des troubles cardiaques, des médecins qui se sont foutus de moi, d’autres qui ont juste refusé de répondre ou d’essayer de me soigner (comme ma généraliste qui m’a demandé de ne plus revenir au bout d’un mois en me conseillant de boire beaucoup d’eau et de reprendre le sport) et surtout des médecins qui m’ont expliqué sans vergogne mon propre métier de psychologue spécialisée dans la prise en charge du trauma en mettant mes symptômes sur le compte du psychologique. J’ai été dégoutée, je les ai haïs, je me suis sentie dépendante, fragile, soumise, j’ai détesté chaque minute de ces rendez-vous.

Pendant ce temps-là, la communauté #ApresJ20 grandissait et à force de maltraitance, nous trouvions nos perles rares, des médecins qui acceptaient de nous entendre, d’être humbles et ouvert.e.s, de chercher avec nous. (...)

Je suis profession libérale alors je n’ai pas pu arrêter de travailler parce que je ne pouvais pas me le permettre financièrement. Et aussi parce que mon travail est une des choses qui me tient le plus à cœur au monde. Je crois que si j’avais dû abandonner mes patient.e.s, je n’aurais pas pu m’en relever. A partir de juillet, je ne supportais plus les écrans, je faisais des malaises, je me sentais constamment comme droguée, comme dans du coton ou m’observant à travers un épais brouillard. Mon électroencéphalogramme était anormal comme si j’étais intoxiquée aux somnifères d’après les personnes qui m’ont examinée et pourtant je ne prenais aucun médicament. Moi qui publiais plusieurs articles universitaires par an, qui peignais, écrivais de la poésie, faisais de longues marches, moi qui dévorais tous les livres que je trouvais : je ne pouvais plus rien faire.

J’ai eu mal à la tête de manière continue et insoutenable pendant 4 mois sans qu’aucun antidouleur ne me soulage, parfois l’intégralité de ma peau me brûlait comme si j’avais un coup de soleil sous la peau, mes pieds devenaient bleus ou violacés, mes doigts écarlates. Parfois mes articulations me faisaient tellement mal que je ne pouvais plus me lever.

Les mois ont passé, j’ai essayé des traitements, fait d’autres examens. 1 an après quel est le bilan ? J’ai une myocardite persistante, on ne sait pas si je garderai de la fibrose cardiaque. J’ai mal au muscle cardiaque en permanence. Je désature toujours à l’effort, dès que je m’agite un peu mon taux d’oxygène s’effondre. J’ai une forme de dysautonomie : mon tronc cérébral ne régule plus mon rythme cardiaque (je tachycarde dès que je suis debout, on appelle ça le POTS. (...)

Mais le plus dur à supporter ce sont les problème cognitifs. Car oui, si le covid long m’a appris quelque chose, c’est à hiérarchiser l’importance que j’accorde à mes organes, à mes fonctions corporelles. J’ai des difficultés de concentration, je cherche mes mots, j’ai du brouillard cérébral permanent, je vois flou. Je ne peux plus faire d’effort physique à cause de mon cœur, je ne peux plus produire intellectuellement à cause de mon cerveau. Je suis en suspens.

Je mets toute mon énergie à tenir, à donner une illusion de normalité à mon quotidien mais en fait, j’attends. J’attends parce que je sais que je ne peux pas accepter la vie comme ça, alors je continue d’espérer un mieux. Dans 2 jours, je vais avoir 34 ans, je suis totalement confinée depuis un an. Mon état est trop instable pour que j’ai le droit au vaccin. Avant le covid, je ne fumais pas, ne buvais pas, étais sportive, en bonne santé, sans comorbidité, je faisais attention à mon alimentation.

Que nous arrive-t-il ? Dans le monde entier, nous sommes des milliers, suspendu.e.s, à peine des ombres de ce que nous étions. Le covid long touche, nous le savons maintenant, principalement les femmes jeunes mais aussi les enfants. Nous avons besoin de recherche, nous avons besoin d’être aidé.e.s. Nous avons besoin d’être reconnu.e.s en ALD et en maladie professionnelle car, aujourd’hui, même si j’ai été contaminée à mon cabinet, n’ayant pas eu de réa ni d’oxygène dans la phase aiguë, je n’ai aucune reconnaissance, aucune aide financière. J’ai dû emprunter de l’argent pour payer les frais médicaux non remboursés. Comment font celleux qui sont plus précaires que moi ?

Nous avons besoin que les gens ouvrent les yeux, le #covid ce n’est pas que la réa des personnes âgées. Le #covidlong peut toucher jusqu’à 30% des contaminé.e.s y compris celleux qui étaient asymptomatiques dans la phase virale initiale, d’après certaines études publiées. (...)

Faites attention à vous quel que soit votre âge ou votre historique médical. Et, si vous le pouvez, aidez-nous, les #ApresJ20, les covid longs, à ce qu’on fasse enfin attention à nous.

Avec d’énormes pensées à tous les #ApresJ20 que je garde proche de mon cœur et, par extension, à tous celleux qui souffrent de maladie qu’elle soit psychique ou physique.