
Il y a un an, le gouvernement abandonnait le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Mais les pouvoirs publics continuent de subventionner des dizaines d’aéroports à travers le territoire, des équipements coûteux à l’utilité contestable.
Jeudi 20 décembre 2018, ils se sont enchaînés aux grilles de l’hôtel de région à Orléans. Certains ont déployé une banderole « Pas de subventions pour l’avion », tandis que d’autres faisaient pleuvoir des aéronefs en papier sur les élus régionaux. Des avions réalisés avec la première page du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Ces activistes d’ANV-COP21 et de Grands-Parents pour le climat entendaient ainsi protester contre le vote d’une subvention d’un million d’euros à l’aéroport de Tours. « Avec notre argent, la région Centre-Val de Loire finance l’aviation, le mode de transport le plus polluant au monde », rappelle Pascal Hugo, grand-père « très concerné par l’urgence climatique ». L’aérogare bénéficie également de subsides alloués par le département de l’Indre-et-Loire et la métropole de Tours. « Sans ces aides publiques, l’aéroport ne tiendrait pas la route, complète Alexandre Bastias, d’ANV-COP21. Cet argent pourrait servir à maintenir des lignes ferroviaires et à développer les transports en commun. »
À l’autre bout de la France, Benjamin Trocmé a choisi l’arme juridique pour combattre l’aéroport de Grenoble-Alpes-Isère. Avec le groupe transpartis Rassemblement des citoyens, solidarité et écologie, le conseiller départemental écologiste a déposé en novembre dernier un recours au tribunal administratif de Grenoble contre la décision du département de l’Isère d’allouer une subvention de fonctionnement de 2,1 millions d’euros à la société Seagi, filiale de Vinci, qui exploite l’aéroport. (...)
« En France, une dizaine de gros aéroports qui dépassent les 2 millions de passagers annuels concentrent 90 % du trafic »
Grenoble et Tours ne sont pas des cas isolés, tant s’en faut. Dijon, Agen, Aurillac, Le Mans, Périgueux, Angoulême, Castres, Cherbourg, Rouen, Auxerre, Colmar, Vannes. « En 2012, plus d’une soixantaine d’aéroports régionaux étaient déficitaires, avec un déficit moyen de 1,7 million d’euros par an », précise Jacques Pavaux. Vendredi 11 janvier 2019, à la demande de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut), cet expert du transport aérien a présenté une étude détaillée sur les aides publiques accordées au secteur. D’après ses calculs, pour renflouer les petits aéroports, la puissance publique — État et collectivités territoriales — ne lésine pas sur les moyens : 95 millions d’euros sont ainsi dépensés chaque année sous forme de subvention de fonctionnement.
Mais pourquoi de tels déficits ? « Sous un million de passagers, l’équilibre économique apparaît précaire en raison des coûts fixes et des recettes limitées par un trafic plus faible », écrivent les auteurs d’un rapport sur le maillage aéroportuaire publié en 2017 et commandé par le Conseil supérieur de l’aviation civile. (...)
Ainsi, Grenoble-Alpes-Isère se situe à moins de 70 km de Lyon-Saint-Exupéry et de Chambéry-Alpes. La Normandie ne compte pas moins de cinq plateformes. Aux environs de Montpellier, Nîmes, Béziers, Avignon et Carcassonne se disputent les faveurs des compagnies aériennes. Et que dire de la Dordogne, qui entretient deux installations, à Périgueux et à Bergerac ? (...)
C’est l’argument déployé en Isère : soutenir la desserte des stations de sports d’hiver. Sauf qu’un sondage mené en 2016 a montré que seuls 31 % des passagers atterrissant à Grenoble se rendaient dans une station iséroise. Plus de la moitié d’entre eux allaient en Savoie ou en Haute-Savoie. « Les touristes et les agences de voyages se fichent d’atterrir à Grenoble ou à Chambéry, ils feront une heure de bus en plus, affirme Benjamin Trocmé. Ils choisiront les billets les moins chers. » Les aéroports et les collectivités locales se sont ainsi lancés dans une compétition pour attirer les compagnies low cost. (...)
« Les aéroports coûtent trop cher, pour une utilité non démontrée, dit Jean Sivardière, vice-président de la Fnaut. Commençons par fermer les aéroports plutôt que les petites lignes ferroviaires. » Au nom de l’équité entre les moyens de transport, la Fédération demande que le transport aérien ne soit pas développé ni soutenu, « mais au contraire maîtrisé afin de limiter ses effets environnemental et financier ». La totalité des aides publiques au transport aérien représente 500 millions d’euros par an, dont 300 millions d’euros d’exemption de taxe sur le kérosène, d’après les calculs de M. Pavaux. Soit « largement de quoi entretenir et maintenir les trains Intercités », précise M. Sivardière.
Pour Benjamin Trocmé, c’est aussi une question de cohérence des politiques publiques (...)