
Le 17 août dernier, on apprenait la mort d’Abdelwahab Youssef, dit Abdelwahab Latinos, un jeune poète originaire du Darfour. Mort en mer Méditerranée. Aujourd’hui nous proposons la lecture de quatre de ses poèmes, en hommage à son travail et à tous les morts en mer et aux frontières de l’Europe.
Le 17 août dernier, les réseaux sociaux se réveillaient avec la nouvelle de la mort de quarante-cinq personnes, dont de nombreux soudanais, en mer Méditerranée, après que leur bateau pneumatique ait été enflammé par des garde-côtes libyens. Une tragédie de plus qui vient augmenter le nombre des personnes tuées aux frontières de l’Europe.
Selon les informations données par quelques survivants et relayées par les proches d’Abdelwahab, les garde-côtes auraient menacé les passagers en demandant de l’argent, avant de tuer plusieurs personnes et de tirer sur le moteur. Cela aurait causé une explosion, et la quasi-totalité des passagers seraient morts par brûlure ou noyade.
Parmi les morts, Abdelwahab Youssef, dit "Abdelwahab Latinos", un jeune poète originaire du Darfour, et bien connu de la jeunesse soudanaise et des amoureux de littérature du pays. Issu d’une famille du Sud-Darfour, il était parvenu à faire des études supérieures à l’Université de Khartoum, et était récemment parti à Benghazi en Libye pour tenter sa chance vers l’Europe. Dans ses poèmes, il était le porte-parole de nombreux jeunes, prisonniers de l’amertume et la désillusion de l’après-révolution.
Ses poèmes étaient amers, parfois remplis de désespoir, souvent prémonitoires. Il les publiait via sa page facebook et son blog, et s’était fait connaître par ses récitations et ses participations aux soirées littéraires de Khartoum. Ses amis travaillent actuellement à la publication d’un recueil posthume de ses textes, sous le nom de « Tabou ». (...)
« Mourir dans les profondeurs de la mer »
Tu mourras dans les profondeurs de la mer
Les vagues fracassant ta tête
Et l’eau balançant ton corps
Comme un bateau crevé.
Ou alors, tu mourras, sur une terre délaissée
Le froid rongeant ton corps
Qui fuira douloureusement vers toi.
Tu mourras seul
Embrassant ton ombre délavée
Demain ne sera plus que le spectre de tes rêves.
Personne n’en saura rien
Cela ne fera aucune différence.
20 mai 2020.
(...)