
Les pédopsychiatres sont confrontés depuis des mois à une forte hausse des gestes suicidaires chez les mineurs. Une explosion longtemps mise sur le compte du Covid mais qui perdure dans un contexte globalement anxiogène.
« Nous n’avions jamais été autant sous tension. » Pédopsychiatre au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Julie Rolling se désole. Depuis bientôt deux ans, partout en France, elle et ses collègues pédopsychiatres sont sous l’eau, confrontés à une vague qui n’en finit pas d’hospitalisations d’enfants et d’adolescents anxieux, dont les idées noires les poussent parfois à tenter de mettre fin à leurs jours. « Prioriser en fonction des situations les plus urgentes et sévères, savoir quel ado on va choisir d’hospitaliser et quel ado on va devoir faire attendre, réévaluer la liste d’attente… C’est devenu un exercice quotidien, confirme Julie Rolling. Cette situation est clairement inédite. »
A plusieurs reprises ces derniers mois, Libération a mis au jour l’ampleur du mal-être des plus jeunes, documentant une hausse sans précédent des admissions d’adolescents aux urgences pour des troubles de l’humeur ou gestes suicidaires. (...)
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Un sentiment d’impuissance. C’est peut-être ce dont Paul peine le plus à se détacher lorsqu’il rentre chez lui après une journée à l’hôpital. « On a la sensation d’être dans un perpétuel échec », déballe l’infirmier de 36 ans, ses yeux bleus fixant le vide. Chaque jour, les urgences pédiatriques du Centre hospitalier universitaire de Nantes (CHU) accueillent près d’une centaine d’enfants et adolescents âgés de moins de 15 ans et 3 mois. Une limite correspondant au flux de patients que le service est théoriquement capable d’accueillir. Parmi eux, de plus en plus de jeunes dans des situations de détresse psychologique profonde. ce jeudi, en quelques heures, cinq ont déjà franchi les portes du bâtiment : un enfant atteint de phobie scolaire, un collégien mutique ou encore une jeune fille entendant des voix qui « lui disent de se tuer ».
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