
Le film « Dark Waters », désormais disponible en vidéo à la demande, raconte l’histoire — vraie — d’une lutte contre une industrie responsable de rejets d’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), présent dans le Téflon de nos poêles. Grâce à un expert en biochimie et toxicologie, Reporterre fait le point sur ce « scandale qui concerne l’ensemble du vivant sur Terre ».
Un avocat devenu le pire cauchemar du puissant groupe chimique DuPont : telle est l’histoire — vraie — racontée dans Dark Waters. Le film étasunien, diffusé dans les cinémas français à partir du 26 février dernier et disponible depuis ce 19 mai en vidéo à la demande (VOD) en raison de la pandémie de Covid-19, met en scène Robert Bilott, un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Interpellé par un fermier dont le troupeau de vaches est décimé, il découvre que la campagne de son enfance est empoisonnée par une usine du groupe DuPont, premier employeur de la région. L’avocat mène l’enquête et découvre que les eaux sont souillées par des rejets d’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), une substance utilisée pour produire le Téflon de nos poêles [1]. Pendant des années, Robert Bilott s’est battu pour mettre au jour les agissements de l’entreprise et a levé le voile sur un scandale sanitaire d’ampleur mondiale. Aujourd’hui, 99 % des habitants de la planète présentent des traces de cette molécule dans leur sang. (...)
Ces molécules ne sont pas facilement reconnues par les organismes qu’elles rencontrent. Elles sont très difficilement métabolisées, c’est-à-dire qu’on ne peut pas s’en débarrasser par le biais des urines, de la sueur ou les fèces. Concrètement, les PFOA s’accumulent au niveau des protéines plasmatiques, c’est-à-dire les protéines sanguines qui circulent en permanence dans notre sang. Les PFOA s’y accrochent et, quand les protéines se renouvellent, elles en attrapent d’autres.
Ces molécules sont donc extrêmement mobiles et persistantes dans l’environnement, et elles contaminent très largement dès qu’elles font l’objet de rejets industriels ou qu’elles ruissellent des décharges. Elles s’incrustent partout dans le monde, jusqu’aux tréfonds de l’Arctique. Elles s’accumulent dans les organismes vivants, dans l’ensemble des écosystèmes. Or, elles agissent à des doses d’exposition infimes et sont identifiées comme reprotoxiques, c’est-à-dire qu’elles peuvent altérer la fertilité ou le développement des enfants à naître. Elles affaiblissent le système immunitaire et augmentent le risque de développer des maladies cardiovasculaires, des cancers de la prostate, du rein ou encore des testicules. (...)
Les PFOA sont synthétisés et commercialisés depuis les années 1940 (...)
ils sont aussi utilisés pour fabriquer des emballages alimentaires, des mousses anti-incendie, des imperméabilisants pour l’industrie textile...
En juin 2017, la Commission européenne a conclu que « la fabrication, l’utilisation ou la mise sur le marché du PFOA (…) [entraînaient] un risque inacceptable pour la santé humaine et l’environnement ». En conséquence, leur usage doit être restreint en juin 2020. Malheureusement, le PFOA est déjà partout autour de nous et en nous. Pour ce qui est déjà dans nos organismes, il n’y a pas grand-chose à faire. Pour réduire notre exposition à ces substances, il existe en revanche quelques alternatives. Il est en général recommandé de jeter les poêles en Téflon dès qu’elles commencent à s’abimer, mais ce n’est peut-être pas l’idéal car je ne sais pas comment elles sont retraitées ensuite. D’autres ustensiles, comme les poêles en céramique, pourraient être intéressants à utiliser car considérées comme plus écologiques. Au niveau politique, l’enjeu serait d’informer les consommateurs de manière totalement transparente sur les produits contenant du PFOA et les risques encourus quand nous y sommes exposés, même à faible dose. (...)