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Radio Nova
Un vrai kiff. - La chronique de Pierre-Emmanuel Barré + #NotAllPolicemen - Quand une blague fait débander les forces de l’ordre
#violencespolicieres
Article mis en ligne le 17 novembre 2025

Voir la video sur Invidious (pas ou peu de pistage)⬇️

Lire aussi :

 (Le Point)
« La police, c’est Daech » : Laurent Nuñez porte plainte contre Pierre-Emmanuel Barré

Le ministre de l’Intérieur a vu rouge après une chronique sur Radio Nova où l’humoriste comparait la police et la gendarmerie à Daech. De son côté, la station de radio défend la liberté d’expression.

Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a annoncé qu’il portait plainte contre Pierre-Emmanuel Barré, après la diffusion d’une chronique sur Radio Nova où l’humoriste comparait la police et la gendarmerie à l’organisation État islamique. (...)

 (club de Mediapart/Stephanie Lamy, Féministe, chargée d’enseignement, chercheuse)
#NotAllPolicemen - Quand une blague fait débander les forces de l’ordre

La réaction outrée à une blague sur les violences sexistes commises par des policiers révèle une institution prisonnière d’une virilité incapable de tolérer critique ou ironie. Si l’humour la déstabilise plus que les violences dénoncées, faut-il s’inquiéter de sa sensibilité… ou de sa compétence ?

Dans le débat public français, le champ de la sûreté est de plus en plus structuré par un écosystème de syndicats policiers, d’associations civiles pro-forces de l’ordre et de milices cyber qui gravitent autour de l’institution policière. Cet ensemble d’acteurs produit et diffuse une vision viriliste, hiérarchisée et univoque de la “sécurité”, où la force, l’autorité et la solidarité masculine deviennent des valeurs indiscutables et où toute contestation est immédiatement recodée comme une menace. La centralité du regard policier impose une lecture du monde où la sécurité se confond avec la puissance virile, où la protection est monopolisée par un corps en couillhésion, et le débat démocratique à propos du contrôle de l’usage de la force est soumis à un contrôle coercitif - vicié par le dévoiement du langage, la décontextualisation et désinformation, et censuré par l’État. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les réactions à la blague de l’humoriste Pierre-Emmanuel Barré, survenue dans le sillage de l’affaire du viol filmé dans les locaux du tribunal de Bobigny : plutôt qu’un échange d’arguments dans une démocratie mature, l’incident a déclenché un réflexe pavlovien des structures policières et para-policières pour réaffirmer l’intouchabilité du corps sécuritaire, délégitimer la satire et étouffer la critique. Un tel réflexe, loin d’être anecdotique, est le symptôme d’une dynamique plus profonde que le chercheur Frank Rudy Cooper décrit comme cop fragility : une fragilité policière nourrie par la virilité et racisme institutionnel et qui transforme toute interpellation en agression symbolique. (...)

Le verrou autoritaire qu’est la copfragility n’est cependant pas resté sans résistance. Depuis plusieurs années, des mobilisations féministes et antiracistes s’emploient à l’exposer et à le faire sauter : des critiques scandées en manifestation aux journalistes qui documentent les violences fondées sur le genre commises par les forces de l’ordre, en passant par les les travaux des sociologues tels que Sébastien Roché ou encore Mathieu Rigouste, toustes tentent d’attirer l’attention sur les violences structurelles qui irriguent la logique des forces de l’ordre. Les enquêtes de Sophie Boutboul et Alizée Bernard dans leur livre Silence, on cogne ont documenté avec précision comment les violences sexistes et sexuelles commises par des agents de police sont systématiquement minimisées, déplacées ou neutralisées par un appareil institutionnel qui protège davantage l’uniforme que les victimes. En 2021, la mobilisation citoyenne après le féminicide de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-compagnon, et dont la plainte fut maltraitée par un policier lui même condamné pour violences conjugales, a forcé l’exécutif à concéder quelques ajustements législatifs (minimes) mais révélateurs de la pression politique exercée par les mouvements féministes pour rompre avec l’impunité organisée. Et ce d’autant plus que, comme l’ont montré plusieurs enquêtes, la régulation des violences masculines au sein des forces de l’ordre repose encore largement sur les femmes policières elles-mêmes, invitées à endosser gratuitement le travail de vigilance, de signalement et de prévention. Or celles qui tentent d’assumer ce rôle s’exposent non seulement à des formes de représailles professionnelles ou de mise à l’écart, mais aussi à des dynamiques de violence sexiste bien documentées dans la culture policière. (...)

chaque séquence de captation d’attention sur la condition des femmes et minorités qui subissent les violences policières est opposé un backlash de plus en plus institutionnalisé. Reste alors une question centrale : comment prétendre renforcer la sécurité de toutes et tous lorsque la virilité institutionnelle porte elle-même atteinte à la santé mentale des forces de l’ordre, qu’elle produit une culture de l’omerta pour garantir l’impunité corporatiste, et qu’elle soutient une logique de séparation “eux vs. nous” qui hiérarchise les humains et fragilise ainsi nos valeurs républicaines ?

L’analyse de la production du backlash à la critique ne peut être complète sans la situer dans le champ plus large de la montée des masculinismes. (...)

La culture policière présente des affinités structurantes avec les logiques des milieux radicaux masculinistes. Les policiers sont rarement “hors” de leur rôle : leur identité professionnelle, façonnée par les normes du warrior cop, déborde largement leur vie privée, produisant une forme de continuité performative entre leur position d’homme et leur position d’agent chargé d’imposer l’ordre. Cette indistinction entre l’identité personnelle et la fonction crée un environnement propice à l’intériorisation et diffusion de normes masculinistes, où la contestation féministe, antiraciste ou queer est perçue non comme un discours politique, mais comme une menace au désordre établi. Par ailleurs, le milieu policier, avec ses syndicats, associations affinitaires, groupes de soutien civils et sphères numériques, constitue un espace social dense, favorable à la circulation de normes genrées et hiérarchiques. Elles ne font pas de ce milieu un espace « masculiniste », mais elles créent des conditions de compatibilité avec les logiques du masculinisme. (...)

comment espérer combattre les VSS, ou violences collectives produites par les milieux radicaux masculinistes si ceux-ci trouvent, au cœur même de l’appareil sécuritaire, leurs reflets les plus puissants, leurs imaginaires les plus protégés, et leur verrou le plus solide ?