
Fin janvier, les 137 pays engagés sous l’égide de l’OCDE dans la négociation d’un accord sur la taxation des multinationales, notamment celles du numérique, se sont mis d’accord pour... aboutir à un accord d’ici la fin de l’année.
Il s’agit d’une réforme a minima, comme le montre l’attitude complice des GAFA : ainsi, Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook affirme aujourd’hui être en faveur de la "réforme fiscale" en cours à l’OCDE même si cela doit conduire son groupe à "payer plus d’impôts"[1].
On nous annonce triomphalement que cette réforme fiscale générerait 100 milliards de dollars de recettes par an, soit 4% de recettes supplémentaires d’impôt sur les bénéfices au niveau mondial. Cette somme, qui devra être confirmée par les faits, reste plutôt faible : on estime que l’optimisation fiscale agressive des multinationales fait perdre 14 milliards d’euros par an uniquement en France[2]. De plus, les négociations à l’OCDE prévoient de fixer un niveau minimum d’imposition sur les sociétés (IS) à 12,5%. Celui-ci est censé réduire la concurrence fiscale entre les États et les stratégies de transfert de bénéfices des multinationales vers des pays à faible fiscalité. Or, ces 12,5% représentent un taux extrêmement faible : c’est le taux d’IS pratiqué en Irlande, le plus bas de l’Union européenne, ce qui permet à ce pays d’attirer Google, Facebook et Amazon ! On mesure ainsi à quel point la réforme envisagée par l’OCDE est minimaliste et on comprend mieux pourquoi Facebook et les autres géants du numérique s’en accommoderaient. (...)
Alors que les négociations à l’OCDE risquent de ressembler à une montagne qui accouche d’une souris, les mesures unilatérales de taxation des GAFA prennent l’eau. (...)
On a pu assister à une pièce de théâtre où le gouvernement feignait de s’attaquer à l’évasion fiscale et les GAFAM faisaient mine d’être affectées. Le summum de cette mascarade a été atteint l’été dernier, quand Amazon a utilisé le prétexte de la taxe GAFA pour augmenter ses commissions de 3%, répercutant ainsi la taxe sur ses clients.
La fin annoncée de la taxe GAFA n’en est donc que plus désolante : elle ne coïncide pas avec son remplacement par un système de taxation mondial ambitieux, comme promis maintes fois, et est surtout le signe du manque de volonté d’un gouvernement qui a cédé face aux pressions américaines. Les Etats-Unis ont notamment menacé de taxer les importations de vins français si la taxe GAFA n’était pas abandonnée.
Il ne faut pas oublier que les GAFAM font de l’évasion fiscale un avantage concurrentiel[10] et que leur poids dans l’économie et dans la haute administration américaine est énorme[11]. (...)
Le Royaume-Uni a annoncé également renoncer à collecter une taxe similaire cette année. Les menaces américaines de taxer les voitures allemandes ou le parmesan italien visent également à les dissuader d’adopter une taxe similaire.
En résumé : un projet de taxation des GAFA abandonné à l’échelle européenne, des taxes GAFA nationales suspendues et, "en même temps", des négociations manquant d’ambition à l’OCDE. Il est pourtant urgent, dans un souci de justice fiscale, que les plus grandes entreprises ne puissent plus continuer à échapper aussi massivement à l’impôt.