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Taxation des multinationales : le point sur le taux minimal de 15 % et la répartition des bénéfices
Article mis en ligne le 14 juin 2021

Le sommet du G7 vient de confirmer les annonces des ministres des finances du G7 sur l’instauration d’un taux minimum mondial sur les multinationales de 15 % et sur l’attribution d’une part du bénéfice (non précisée dans le communiqué du 13 juin) que les États pourront imposer.

Selon le communiqué : « Avec cela, nous avons fait un pas important vers la création d’un système fiscal plus juste, adapté au 21e siècle, et l’inversion d’une course vers le bas de 40 ans. Notre collaboration créera des règles du jeu plus équitables et contribuera à augmenter les recettes fiscales pour soutenir l’investissement et luttera contre l’évasion fiscale ». Le communiqué précise qu’une solution devra être prise au consensus en juillet dans le cadre du G20 et des discussions au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (...)

Rappelons que, si les États-Unis, longtemps réticents, ont relancé ces discussions grâce aux propositions de Joe Biden d’instaurer un taux mondial minimum de 21 %, ce taux aura finalement été abaissé à 15 %. Par ailleurs, s’agissant du second pilier, le G7 finances du 5 juin avait défini les contours du bénéfice qui serait réparti entre les États : il concernerait 20 % du bénéfice des multinationales dégageant un taux de marge de 10 %. Il est donc utile de dresser un rapide état des lieux. C’est l’objet de la présente note qui fait le point sur l’avancement de ce chantier complexe, sur les questions qu’il pose et les conséquences qu’il aurait.

Rapide retour sur l’architecture envisagée

Dans la continuité du Plan "Base Erosion and Profit Shifting” (BEPS), les travaux de l’OCDE portent sur deux piliers : le premier vise à répartir le pouvoir d’imposition des multinationales entre pays et le second vise à assurer une imposition minimale des entreprises multinationales. Ces travaux ont pour objectif d’adapter la gouvernance fiscale internationale et les législations face à la numérisation de l’économie et aux pratiques d’optimisation et d’évasion fiscales. (...)

Si le principe du taux minimum est simple, son application risque d’être complexe. L’imposition complémentaire à prélever doit en théorie correspondre à l’écart existant entre ce taux et le taux effectif d’imposition de l’ensemble des entités contrôlées au sein d’un même pays. Ce taux effectif devrait en toute théorie être déterminé à partir des bénéfices ressortant des comptes consolidés, après divers retraitements spécifiques visant notamment à neutraliser les dividendes et plus-values intra-groupes. Cela suppose notamment de déterminer précisément le périmètre de la ou des entités juridiques du groupe qui entreront dans le champ d’application de cette mesure, ce qui n’est pas neutre. Potentiellement, il s’agira également de voir comment certains dispositifs et régimes dérogatoires seront traités, comme le régime « mère-fille » au sein de l’Union européenne… Il s’agit aussi de prendre en compte l’interaction avec les règles qui régissent les sociétés étrangères contrôlées qui avaient déjà fait l’objet d’une directive (Anti Tax Avoidance Directive).

Quelles recettes espérer ?

Les recettes espérées restent bien faibles. Avec un taux mondial minimum de 12 à 13 % comme cela était encore récemment envisagé, l’OCDE estimait que l’effet combiné des deux piliers pourrait représenter 4 % des recettes de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial, soit 100 milliards USD par an. Avec un taux de 15 %, elles seront un peu supérieures. (...)

Mais à 15 %, il restera des possibilités de pratiquer une optimisation fiscale agressive, voire pire… Et si les travaux BEPS de l’OCDE au sein du « Cadre inclusif » concernent 137 pays, il reste à voir d’une part, comment ceux-ci l’appliqueront et s’ils jouent le jeu et d’autre part, comment se comporteront les territoires qui n’en font pas partie.

Précisons également que lorsque ce dispositif se mettra en place, la taxe sur les services numériques, la symbolique « taxe Gafam » [1], sera supprimée. Enfin, si ce taux minimal de 15 % est à l’avenir considéré comme le point de convergence des taux nominaux de la quasi-totalité des États (dont le taux nominal est aujourd’hui plus élevé), les pertes de recettes pourraient s’avérer particulièrement importantes.

Qu’en penser (pour l’heure) ?

Cette période est riches d’enseignements.
Elle montre que, lorsque la volonté politique existe, des avancées sont possibles. Elle montre aussi que, comme de nombreuses organisations, dont Attac, le déplorent de longue date, le système fiscal est dépassé et contourné, qu’il a besoin d’être adapté (notamment à la numérisation de l’économie) et que l’évasion fiscale est un véritable fléau. Elle montre enfin que certains outils existent (...)

En tout état de cause, en matière de taux minimal mondial d’imposition des bénéfices ; il ne saurait être inférieur à 25 %. D’autres mesures sont nécessaires pour neutraliser l’évasion fiscale et instaurer une véritable justice fiscale : un cadastre financier mondial, le renforcement de la coopération internationale et des moyens pour combattre l’évitement de l’impôt, etc.
Malheureusement, elle montre aussi le poids de l’idéologie « anti-impôt » et, surtout, celui des intérêts qui refusent toute véritable hausse de la contribution commune que constitue l’impôt. Et ce, circonstance aggravante, dans une période pour le coup historique marquée par des enjeux sociaux, écologiques et économiques immenses.