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Syriza, Podemos… Restructuration ou annulation de la dette illégitime ?
Article mis en ligne le 18 avril 2015
dernière modification le 8 avril 2015

samedi 28 mars 2015, au Forum social mondial de Tunis, le CADTM organisait un atelier intitulé « Syriza, Podemos… Restructuration ou annulation de la dette illégitime ? » et qui comptait sur la participation d’Éric Toussaint, porte parole du CADTM international, ainsi que des eurodéputés Miguel Urban Crespo de Podemos en Espagne, Marie-Christine Vergiat du Front de Gauche en France et Helmut Scholz de Die Linke en Allemagne.

Des restructurations au bénéfices des créanciers...
Eric Toussaint a avant tout précisé la signification de la restructuration de dette à travers différents exemples historiques. Entre 1950 et 2010, se sont succédées pas moins de 600 restructurations de dettes publiques. Seules quelques unes ont été favorables aux pays endettés et cela s’est produit à chaque fois dans des circonstances exceptionnelles.

… contrairement à l’accord de Londres de 1953, favorable à l’Allemagne de l’Ouest
Afin d’illustrer ces rares cas, Eric Toussaint a mentionné l’exemple de l’Allemagne occidentale à la sortie de la seconde guerre mondiale. L’accord historique sur la dette allemande signé à Londres en 1953 a permis aux vainqueurs de la guerre d’octroyer une réduction drastique de la dette de plus de 60 % et d’accorder dans l’immédiat un moratoire de 5 ans. Qui plus est, n’ont pas été prises en considération les dettes qui auraient dû être réclamées à l’Allemagne en guise de réparation pour les crimes de guerre nazis, notamment lors de l’occupation de la Grèce. Cet accord comportait des clauses très favorables à la RFA : la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si nécessaire ; un service de la dette qui devait rester inférieur à 5 % des revenus tirés des exportations ; des taux d’intérêts inférieurs à 5 % ; la possibilité de rembourser dans sa monnaie nationale (le deutschemark, alors que celui-ci n’avait alors quasiment aucune valeur sur le plan international) ; l’engagement des créanciers à acheter des produits allemands ; une compétence des tribunaux allemands en cas de litige... L’ensemble de ces conditions favorables ont permis de relancer économiquement l’Allemagne de l’Ouest face à l’Union soviétique et ses alliés, dans un contexte de guerre froide.

En somme, hormis les quelques rares cas de restructurations qui ont été favorables aux débiteurs parce que les créanciers y voyaient un intérêt géostratégique, tous les autres processus de restructuration ont simplement servi à rétablir la solvabilité d’un pays débiteur en rendant la dette soutenable pour s’assurer qu’il continue à payer (...)

Espoirs en Grèce ? Mesures anti-austéritaires et audit de la dette
En Grèce, déjà avant la victoire historique de Syriza dans les urnes le 20 janvier dernier, le parti de gauche « radicale » affichait clairement sa volonté de résoudre le problème du surendettement. Il proclamait vouloir restructurer la dette, aboutir à une réduction radicale de son montant (d’environ 60 %) dans le cadre d’une grande conférence internationale sur le modèle de l’accord de Londres de 1953 et de mettre en place un audit permettant d’en identifier les parts illégitimes et illégales. Une fois parvenu au pouvoir, Syriza a mis l’accent sur l’arrêt des politiques d’austérité et l’annonce d’une série de mesures sociales emblématiques : rétablissement de l’électricité pour 300 000 foyers pauvres qui en avaient été privés, fermeture des centres de détention pour « sans-papiers », octroi de la nationalité grecque aux immigrés de deuxième génération, relèvement du salaire minimum, réembauche des fonctionnaires licenciés, suppression des taxes foncières particulièrement pénalisantes pour les couches moyennes et populaires, relèvement du seuil de non-imposition... Or, l’accord du 20 février entre la Grèce et ses créanciers multilatéraux stipule que la Grèce respectera scrupuleusement le calendrier des remboursements, ce qui risque de compromettre à court terme la poursuite du programme social de Syriza.

Lors d’une conférence de presse le 17 mars 2015, la présidente du Parlement grec, Zoé Konstantopoulou, a annoncé la constitution d’une Commission d’audit de la dette publique grecque. Cette commission, coordonnée sur le plan scientifique par Éric Toussaint, n’est pas un simple exercice comptable, mais elle a pour but d’identifier les dettes illégitimes, odieuses, illégales et/ou insoutenables qu’il s’agit de répudier, sur base d’arguments solides et juridiques. La décision politique appartiendra quant à elle au gouvernement grec. Les travaux de cette commission vont donc interpeller la Commission européenne et autres créanciers, ainsi que ceux qui ont profité en Grèce des politiques de la Troika et de la restructuration effectuée en 2012. L’enjeu est de taille, non seulement pour la Grèce, mais également pour tous les peuples qui souffrent des politiques d’austérité au nom d’un endettement excessif. (...)

En Espagne, la question de la dette a soulevé un débat intense au sein de Podemos. La dette publique espagnole qui était de 35 % du PIB avant la crise, atteint désormais les 100 % du PIB. Cette explosion est en grande partie due à la socialisation des dettes privées, résultant principalement des sauvetages des banques et autres grandes infrastructures comme les autoroutes privées. Rien que pour les intérêts de la dette, l’État a dû rembourser 35 milliards d’euros en 2014 ; 25 % de la dette publique espagnole est détenue par les banques. La dette est ici comme ailleurs un outil de contrôle qui compromet la souveraineté populaire.

La question du non paiement de la dette ne fait pas encore l’objet d’un véritable débat de société. Deux initiatives en ce sens méritent néanmoins d’être signalées : la rencontre des partis de gauche du pourtour de la Méditerranée à l’occasion du Forum social mondial de 2013 à Tunis, en vue de se coordonner en faveur du non paiement de la dette. Par ailleurs, en Espagne, le débat se poursuit au sein de la Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette (PACD).

Dans le Manifeste de création de Podemos, la suspension de paiement de la dette, l’audit citoyen et le revenu universel sont avancés comme mesures phares. (...)