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U Laval
Sur la route migratoire la plus meurtrière au monde
Article mis en ligne le 30 mars 2021

Une chaire de recherche a collaboré à un rapport de SOS Méditerranée sur les adolescents non accompagnés qui risquent leur vie dans leur dangereuse traversée de la mer

« J’ai passé quatre jours en mer avant d’être secouru. La nuit où nous avons quitté la Libye, le fond du bateau s’est fissuré. Personne n’a dormi pendant tout ce temps parce que nous avons dû vider l’eau à l’aide d’un bidon de carburant vide. Nous avons manqué de nourriture et d’eau après le premier jour. Un homme est même devenu si désespéré qu’il a sauté par-dessus bord. Nous avons dû l’aider à remonter dans le bateau. On avait si peur, on ne pensait plus qu’à la mort : tout le monde était persuadé que nous allions mourir. »

Abdo (prénom fictif) est originaire du Soudan. En août 2019, à l’âge de 17 ans, il a traversé la Méditerranée à bord d’une embarcation surpeuplée et impropre à la navigation avant d’être recueilli à bord de l’Ocean Viking, l’un des deux navires de SOS Méditerranée, une association civile européenne de sauvetage en mer. Son témoignage, avec celui de neuf autres migrants mineurs non accompagnés ayant franchi la Méditerranée entre 2016 et 2020, est au cœur de Jeunesse naufragée, un rapport percutant de 24 pages publié l’an dernier par cette ONG d’urgence sur un sujet brûlant d’actualité.

« Ce projet de dossier est le fruit d’une collaboration entre SOS Méditerranée et la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales de l’Université Laval, explique la titulaire de la Chaire et professeure au Département de géographie, Danièle Bélanger. L’idée vient de nous. Nous avons établi un contact avec eux. Les ONG ont des besoins en recherche. Comme elles travaillent beaucoup en intervention d’urgence, elles n’ont ni le temps ni les ressources pour faire de la recherche. C’est à ce niveau que les chercheurs universitaires peuvent intervenir en mettant leurs compétences à leur service. Ce projet de collaboration intersectorielle est une belle réussite pour la Chaire, le Département et l’Université. »

Une étudiante de troisième année du baccalauréat en géographie, Mireille Lajoie, a été mise à contribution dans ce projet. Sa principale tâche a consisté à monter une base de données. Elle a aussi effectué un travail de recherche à partir de documents officiels du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, de l’Organisation internationale pour les migrations, de l’Unicef et de divers instituts de recherche. La Chaire a coordonné son travail avec SOS Méditerranée. Elle a aussi financé le travail de l’étudiante et assuré sa supervision. Puis, l’ONG a travaillé de près avec l’étudiante sur l’élaboration du rapport, qui est maintenant diffusé sur le site de l’organisation. (...)

Les raisons pour lesquelles ces migrants ont quitté leur pays sont complexes. Elles sont notamment liées au contexte politique, au contexte socioéconomique ou bien au contexte familial. Les personnes peuvent fuir la guerre, les persécutions, les violences ou bien le chômage. Certaines sont en quête d’une éducation. Sur la route, les migrants sont souvent victimes de vols, de travail non rémunéré, d’enlèvements, de détention, de violences physiques, de privations de nourriture ou encore d’absence de soins.

Le rapport Jeunesse naufragée contient le témoignage de Marie Rajablat, une infirmière en psychiatrie, bénévole à SOS Méditerranée, qui a recueilli des témoignages à bord auprès d’enfants et d’adolescents rescapés. « Tous, écrit-elle, étaient obnubilés par l’objectif d’une vie meilleure. Beaucoup voulaient témoigner. Les filles étaient souvent plus farouches. Elles étaient mises à l’abri avec les femmes et les petits enfants. Si les garçons sont restés très généralistes, les filles qui ont pu parler ont témoigné par le menu l’enfer qu’elles avaient vécu. » (...)