
Lutte contre l’immigration clandestine, démantèlement des filières de "small-boats" vers l’Angleterre, fusillades entre trafiquants… Entretien avec Xavier Delrieu, chef de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), sur la lutte contre les trafiquants d’êtres humains.
Ce sont les policiers les mieux renseignés sur l’évolution de l’immigration clandestine. À Lognes (Seine-et-Marne), près de 150 enquêteurs spécialisés traquent les trafiquants de migrants et démantèlent les filières d’entrée, de maintien sur le territoire français ou de traite des êtres humains. Sept mois après l’inauguration par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, des cellules d’échanges de renseignements criminels (CERTIM), le commissaire divisionnaire Xavier Delrieu, chef de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), a accepté de répondre à nos questions sur l’évolution du phénomène.
InfoMigrants : Quels sont les principaux points d’entrée en France des migrants depuis début 2025 ?
Xavier Delrieu : Les voies classiques n’ont pas bougé, c’est l’Italie avec Menton et Montgenèvre, puis l’Allemagne, la Belgique, et enfin l’Espagne. Il y a aussi un peu plus de migrants qui entrent en France depuis la Suisse.
Du côté des Outre-mer, on a beaucoup de migrants qui essayent de venir en France par la Guyane et Mayotte. Récemment, on a interpellé un boutre [petit voilier, ndlr] qui venait de Tanzanie, avec 30 à 40 migrants à l’intérieur, et deux "kwassa-kwassa" [embarcations de pêcheurs utilisées par les migrants tentant de rejoindre Mayotte, ndlr]. On vient aussi de démanteler une filière qui faisait venir des migrants depuis Madagascar, avant d’utiliser ces personnes dans des réseaux de prostitution locale.
Du côté de la Guyane, ce sont des Syriens, des Marocains, quelques Afghans, qui profitent de facilités de visas au Brésil, avant de traverser le fleuve Oyapock et de demander l’asile en Guyane, puis de rejoindre la métropole par voie aérienne. (...)
IM : Vous avez démantelé 269 filières criminelles en 2024. Où en est-on en 2025 ?
X.D : Nous avons démantelé 206 filières sur les huit premiers mois de l’année, contre 180 l’année dernière à la même période, soit une hausse de 14 %.
Sur la route vers la Grande-Bretagne, on a aussi une augmentation puisqu’on est à 33 filières d’immigration démantelées, contre 23 l’année dernière à la même période. On a 34 filières d’aide à l’entrée sur le territoire français et enfin 115 filières d’aide au maintien, notamment sur le travail dissimulé et la fraude documentaire.
IM : Comment fonctionne la fraude aux visas pour les travailleurs saisonniers ?
X.D : C’est une fraude qui s’est développée depuis que la procédure de délivrance de ces visas a été dématérialisée en 2021. Cette plateforme concerne les métiers en tension, principalement l’agriculture et la viticulture. Des réseaux de passeurs ont démarché des clients en Algérie et au Maroc, et leurs proposent de venir en Europe contre 10 à 15 000 euros par candidat.
Dans un premier temps, il y avait une entreprise française qui était complice, puis ils ont usurpé l’identité de certaines sociétés pour commander des visas, parce qu’il n’y avait pas assez de contrôles. (...)