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Comme des fous
Sur la réponse psychiatrique et l’anti-psychanalyse
Article mis en ligne le 25 décembre 2019
dernière modification le 23 décembre 2019

J’aimerais mettre en débat la question de la réponse psychiatrique aux états de conscience altérée et celle de la psychanalyse.

Je suis tombé sur une pétition de Sophie Robert, signée notamment par la député Martine Wonner, qui réclame une justice sans psychanalyse et qui démarre son propos ainsi :

« Nous affirmons que la psychiatrie est une discipline médicale, fondée, comme la psychologie, sur des connaissances scientifiques, devant s’exercer dans le respect du patient et la recherche de son mieux-être, conformément au code de santé publique et au code de déontologie des professionnels de la santé mentale. L’exercice de la psychanalyse à titre privé, pour des requêtes d’ordre existentiel ou philosophique, n’est pas critiquable, sous réserve que cela n’ait pas de conséquences pour la santé physique ou psychique de la personne. Face aux troubles mentaux, cependant, d’autres exigences s’imposent. Notre premier devoir est de proposer un accompagnement adapté, fondé sur les preuves et les données acquises de la science. »

Partons du début : la réponse psychiatrique aux troubles mentaux. Quand quelqu’un décompense ou fait une crise relevant de la psychiatrie, on le fait hospitaliser rarement de son plein gré, surtout la première fois. Toute personne troublée, ne se sachant pas troublée, est dans ce que le monde qui l’entoure appelle le déni. Plongée dans sa réalité, la personne commence à paniquer et entraîne la panique chez les autres. Pour éviter qu’elle se mette en danger ou en cas de tentative de suicide, on l’envoie en psychiatrie, pour la protéger.

Premier problème, la personne paniquée a peur et la réponse à ceci serait de la rassurer, prendre le temps de l’apaiser avant même d’envisager l’injection ou la prise d’un calmant. Mais la réponse psychiatrique, c’est la mise en protection, on coupe la personne de son environnement anxiogène. Bonne idée, si c’est pour l’apaiser ou la faire dormir un peu. Ce qui se passe, en réalité, c’est que le principe de sécurité prévaut sur le bien-être du patient. S’il arrive agité aux urgences, on l’attache avec des sangles. S’il arrive agité à l’hôpital psychiatrique, on le met en chambre d’isolement, pour le couper des autres patients et éviter tout débordement. Qu’est-ce qui autorise à priver quelqu’un de sa liberté d’aller et venir et à l’enfermer sans chercher à le raisonner ? La psychiatrie et l’expertise du psychiatre.

Oui, la personne est malade. Oui, il faut la soigner. Mais pourquoi l’enfermer alors qu’elle flippe à mort ? Ayant vécu cette expérience et le traumatisme de l’enfermement, je dirais que ce qui manque c’est le dialogue et la tentative de nouer un lien dès l’accueil. C’est comme si on attendait que les médicaments injectés de force fassent leur effet avant d’entamer le soin ou, en tout cas, le dialogue.

Le dialogue, ce n’est pas très scientifique, mais c’est ce qui soigne dans les troubles mentaux. Effectivement, les médicaments peuvent apaiser l’anxiété, c’est scientifique, ils peuvent aussi arrêter la machine quand on cogite trop, mais ce sont des réponses à l’état de crise. La psychiatrie semble n’être là que pour gérer la crise, comme elle peut. D’où l’impression d’être traités comme des bêtes sauvages, clairement comme des fous, à l’hôpital. L’ambition thérapeutique de l’hospitalisation a été mise de côté.

Comment ça serait, alors, de traiter les patients comme des êtres humains et de les faire parler dans un but thérapeutique ? En fait, ce n’est peut-être pas scientifique, mais ce qui soigne en psychiatrie c’est de pouvoir mettre des mots à ce qui nous arrive, sortir de ses pensées parfois autodestructrices, pour recréer un lien avec le monde et avec les autres. Se sentir accueilli et en sécurité avec un thérapeute et puis évacuer la souffrance psychique.

Le deuxième problème, c’est quand le rôle du psychiatre se limite à faire des certificats médicaux et les meilleures prescriptions médicamenteuses adaptées à chaque patient. Il y a un moment, après la crise, où il faut recoller les morceaux et remettre du sens à ce qu’on vit. Prendre des médicaments à vie sans accompagnement thérapeutique, ça n’a pas de sens. (...)

Aux partisans d’une psychiatrie neurocomportementale, je voudrais leur demander de ne pas sacrifier le relationnel à la seule technicité basée sur une connaissance scientifique des médicaments.

On pourra dire que pour faire du relationnel, nul besoin de psychanalyse, il suffit de faire preuve d’humanité et d’empathie. Mais dans les faits, quand l’agitation d’un patient est assimilée à de la violence alors que c’est lui qui flippe le plus, on peut s’interroger sur l’appauvrissement de l’enseignement en psychiatrie et la perte de sens de ces métiers ainsi que sur la disparition des espaces de réflexion sur les pratiques et aussi de la notion de collectif soignant.

La maltraitance en psychiatrie n’est pas le fait uniquement de tortionnaires, c’est la résultante d’un appauvrissement de la culture de soin, c’est le renoncement thérapeutique au profit d’une gestion au quotidien des flux de patients et des situations de crise. (...)

Nos cerveaux ne sont pas des circuits informatiques à réparer. Nous sommes comme vous, des êtres complexes que la seule science ne peut arriver à comprendre.

L’approche psychodynamique ou psychopathologique a le mérite de chercher à expliquer les cheminements de la pensée pouvant mener à la maladie dite mentale. Si la psychanalyse offre des clés de compréhension à des phénomènes en apparence irrationnels, ne peut-elle pas s’allier à la science au service d’une meilleure thérapeutique ?