
Qu’entend-on par philosophie africaine ? Et quel est le propre d’une réflexion philosophique ? A ce débat en forme de controverse qui s’est déroulé entre les années 1960 et 1980, l’œuvre du Béninois Paulin Hountondji a apporté l’une des contributions les plus significatives. Son ouvrage Sur la “philosophie africaine”, rassemblant différents articles publiés entre 1969 et 1973, porte un regard critique et analytique sur ce qu’il nomme « l’ethnophilosophie ».
Le mot fera date. Tout le débat sur la philosophie africaine s’articulera désormais autour de ce concept, traçant une ligne de démarcation entre ses pourfendeurs et ses défenseurs, entre ceux qui vont penser la philosophie africaine de manière scientifique et ceux qui vont s’engager à présenter ce que seraient les philosophies dogon, yoruba, bantou, etc.
Dans son ouvrage, Paulin Hountondji recense, analyse, commente l’essentiel des travaux philosophiques africains, d’Anton Wilhelm Amo (XVIIIe siècle) au président ghanéen Kwame Nkrumah, en passant par Alexis Kagame, V. Y. Mudimbe ou Marcien Towa…
Dès les premières lignes, le philosophe béninois, né en 1942 à Abidjan, revient sur le livre publié en 1945 par le père missionnaire belge, Placide Tempels, La Philosophie bantoue, qu’il décrit comme un « ouvrage d’ethnologie à prétention philosophique ou, plus simplement, si on nous permet ce néologisme, d’un ouvrage d’ethnophilosophie ». Le débat est ouvert.
Préjugés exotiques et coloniaux
Paulin Hountondji reproche à l’ethnophilosophie d’être « la recherche imaginaire d’une philosophie collective, immuable, commune à tous les Africains, quoique sous une forme inconsciente ». De fait, à la suite de La Philosophie bantoue de Placide Tempels, des Africains ont cherché à dégager des énoncés philosophiques de leur culture.
Le Béninois remarque que la plupart de ces penseurs sont des hommes d’église et que, comme Placide Tempels, ils « conçoivent la philosophie sur le modèle de la religion, comme un système de croyances permanent, stable, réfractaire à toute évolution, toujours identique à lui-même, imperméable au temps et à l’histoire ». (...)