
Philippe Tran-Van était juge d’instruction au tribunal de grande instance de Pontoise. Il a mis fin à ses jours. "On dit que je suis incompétent, alors qu’il est impossible de faire face à la charge de travail", a-t-il écrit pour expliquer son geste. Malgré des drames répétés, la souffrance au travail dans le monde judiciaire reste un tabou.
Il avait 45 ans. Une femme, deux enfants. Et par-dessus tout, un métier qu’il tenait pour un engagement : magistrat. Philippe Tran-Van était juge d’instruction au tribunal de grande instance de Pontoise. Mais il n’en pouvait plus. Le 16 septembre dernier, il s’est tué.(...)
Quinze jours avant Philippe Tran-Van, c’est Jérôme Vogt, magistrat conseiller à la cour d’appel de Caen, qui a mis fin à ses jours. Il s’est pendu chez lui, alors qu’il devait reprendre son travail le lendemain. En 2008, toujours à Caen, un autre magistrat s’est suicidé. En 2009, deux magistrates ont mis fin à leurs jours, à Metz, en Avignon. En 2004, à Avesnes-sur-Elpe, une femme substitut du procureur s’est pendue. Gérald Lesigne, ancien procureur de la République de Boulogne-sur-Mer au moment de l’affaire d’Outreau, connaissait Jérôme Vogt. Il dit : "C’est un collègue qui présentait un certains nombre de points de fragilité. Mais dans le cadre de notre vie professionnelle, c’est vrai aussi, nous sommes confrontés quotidiennement aux souffrances de la société. Cela peut peser. Prendre une décision qui met en jeu la vie, l’avenir des gens, ce n’est jamais simple. On peut comprendre que certains se sentent débordés".
Fatigués, à bout, les burn-out de magistrats sont de plus en plus nombreux. Dans l’ouest de la France, un homme de moins de quarante ans est mort d’un infarctus, laissant derrière lui un enfant de sept ans.(...)
Le tabou est cependant encore loin d’être levé. A Pontoise, après le décès de Philippe Tran-Van, plusieurs de ses collègues ont demandé leur mutation. L’une d’entre elles a sombré à son tour dans la dépression. Après le drame, Isabelle Tran-Van a reçu un courrier de la directrice des services judiciaires, Véronique Malbec, où il n’est pas question du suicide de son mari, mais de sa "disparition". Et où on lui assure que "l’institution judiciaire gardera le souvenir d’un magistrat très investi dans l’exercice de ses missions". Ce qui n’apaise pas la colère d’une femme, dont les deux enfants sont désormais privés de père.(...)
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