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Mediapart
Le cancer progresse chez les plus jeunes, le rôle des pesticides est avéré
#loiDuplomb #agriculture #pesticides #AssembleeNationale #cancer
Article mis en ligne le 1er août 2025
dernière modification le 29 juillet 2025

La loi Duplomb, qui réintroduit un pesticide interdit, cristallise dans la société une peur diffuse, celle du cancer. Elle grandit car le nombre de cas augmente, surtout chez les femmes et chez les jeunes. Les présomptions de liens avec certaines molécules se précisent.

Deux millions de personnes ont signé la pétition contre l’adoption de la loi Duplomb, lancée par une étudiante, et qui rassemble aujourd’hui bien au-delà des sphères militantes écologistes. L’une des mesures de cette loi est la réintroduction de l’acétamipride, de la famille des néonicotinoïdes, des insecticides tueurs d’abeilles. Au moment du vote de la loi, le 8 juillet, du balcon de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, Fleur Breteau a interpellé les député·es : « Vous êtes les alliés du cancer et on le fera savoir ! »

Cette femme de 50 ans, touchée par une récidive de cancer, assume d’en avoir « la tête ». Or cette tête est familière à beaucoup. « Il y a 400 000 nouveaux cancers par an en France. Tout le monde est touché, directement ou indirectement, beaucoup ont perdu un être cher. Il y a là un aspect politique bien naturel : on a envie de défendre un bien qui est la santé », analyse Pierre Sujobert, professeur d’hématologie aux Hospices civils de Lyon et chercheur au Centre international de recherche en infectiologie. (...)

Cette crainte, les médecins la partagent aussi. Et cette fois, « ce n’est pas un ressenti, ce sont les données d’épidémiologie qui [les] inquiètent », poursuit l’hématologue.

Début juin, il a soumis une tribune aux principales sociétés savantes médicales : « Presque toutes ont signé, très vite. Cette communauté n’a pourtant pas l’habitude de se mobiliser. Cette fois, elle veut alerter. Même le directeur de l’institut Gustave-Roussy [le plus grand centre de lutte contre le cancer en France, situé à Villejuif (Val-de-Marne) – ndlr], le professeur Fabrice Barlesi, a parlé d’un “tsunami à venir chez les jeunes”. Ce sont des mots très forts que n’emploient pas ce genre de personnes habituellement. » Publié dans Le Monde le 25 juin, le texte rappelle que « les dangers des pesticides pour la santé humaine ne sont plus à démontrer ».

Par rapport à 1990, le nombre de nouveaux cas de cancers a quasiment doublé en 2023, selon les dernières estimations de Santé publique France. 57 % des cancers touchent aujourd’hui les hommes, mais les cancers des femmes progressent plus vite (...)

Le cancer du sein au plus haut en France

La France a une particularité, le plus haut taux d’incidence du cancer du sein au monde : 105,4 cancers du sein pour 100 000 femmes, selon les données du centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Il faut bien sûr comparer ce taux avec celui des autres pays riches qui ont des systèmes de santé performants. (...)

Des études montrent que « cette progression est attribuable pour moitié à l’augmentation de la population et à son vieillissement et pour moitié à une augmentation du risque de cancer ».

Parmi ces risques se trouvent des facteurs presque communs à tous les cancers : l’alcool, le tabac, le surpoids et la sédentarité. Mais près d’un tiers de ce risque est inconnu. La docteure Molinié dit très prudemment qu’il « conviendrait de poursuivre les efforts sur la recherche de facteurs de risque, et en particulier le risque lié à l’exposome chimique, pour expliquer l’augmentation observée de l’incidence du cancer du sein chez la femme jeune ».

Depuis les années 1950, génération après génération, le cancer progresse : c’est ce que montre une large étude publiée par le journal médical le Lancet en 2024, qui étudie « les différences de taux de cancer entre des adultes nés entre 1920 et 1990 aux États-Unis ». Le taux d’incidence – c’est-à-dire le nombre de cas de cancers ramenés à la population – est « deux à trois fois plus important » dans la cohorte des adultes nés dans les années 1990 que dans celle des années 1920 pour les cancers de l’intestin, du foie, du rein et du pancréas, chez les hommes et les femmes. Le risque d’avoir un cancer du sein a presque doublé chez les femmes nées dans les années 1990, par rapport à leurs aînées des années 1920. (...)

Une étude menée en Île-de-France constate une augmentation des cancers de l’enfant de 26 % entre 1980 et 2000. Le registre national des cancers de l’enfant détaille les chiffres les plus inquiétants. (...)

« Si les cancers des sujets jeunes augmentent, y compris chez les enfants, par définition, ce n’est pas explicable par leur vieillissement, analyse l’hématologue Pierre Sujobert. Il peut y avoir des prédispositions génétiques au cancer, mais assez rarement. À moins de faire l’hypothèse que les êtres humains français aient changé de génome en cent ans, il ne reste plus que l’environnement : il semble être plus cancérigène pour les jeunes qu’il l’était il y a quelques dizaines d’années. » (...)

Les bébés in utero et les enfants exposés aux pesticides dans un cadre professionnel – mais aussi domestique – sont plus à risque de développer « certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central ».
Manger bio protège des cancers

Par ailleurs, la preuve de la nocivité est démontrée par l’étude française NutriNet-Santé, publiée en 2018 dans le Lancet. Cette étude s’est intéressée à la consommation de seize produits par près de 70 000 Français·es volontaires, interrogé·es sur leur vie quotidienne et leur santé entre 2009 et 2016. L’étude prouve que celles et ceux qui ont mangé beaucoup de produits bio ont un risque très diminué de cancers. Au contraire, celles et ceux qui ont mangé essentiellement des produits traités aux pesticides ont développé plus de cancers du sein, de la peau, du côlon-rectum et de lymphomes. (...)

« des travaux épidémiologiques sont en cours dans les registres de cancers pour identifier l’impact de résider à proximité de certaines cultures ». Les vignobles sont particulièrement surveillés. (...)