
Mettre fin aux scandales fiscaux est possible et demande une réelle volonté politique, au-delà des discours indignés en réaction à l’actualité.
La reine d’Angleterre, Bono, Shakira, Nike, Facebook Apple, etc. La liste des personnalités et des entreprises épinglées dans le scandale des Paradise Papers coupe le souffle et montre que l’évasion fiscale est pratiquée à échelle industrielle. Et la France n’est pas épargnée. Des grands fleurons de notre industrie ont été pris dans les filets du scandale : Total, Engie mais aussi Dassault dont la complicité dans un schéma de fraude à la TVA sur les jets privés a été illustrée par une grande enquête de Cash Investigation diffusée sur France 2.
L’ampleur et la complexité des scandales d’évasion fiscale peuvent donner l’impression que cette question dépasse les responsables politiques, et qu’ils ne peuvent pas agir face à un système parfaitement rodé au profit d’une élite fortunée et d’entreprises multinationales.
Comme à chaque scandale, les responsables politiques ne manquent ni de voix ni de souffle pour s’insurger contre ces pratiques qualifiées d’"immorales". Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, a même fustigé une "attaque contre la démocratie". Malheureusement, les engagements de nos gouvernements ne sont, encore une fois, pas à la hauteur de leur indignation.
Cela contribue inévitablement à alimenter le défaitisme des citoyens qui croient les Etats incapables de réguler les comportements de ces géants économiques. A tort ! Car en réalité, les Etats ne sont pas si impuissants dans cette affaire, bien au contraire. Encore doivent-ils sérieusement vouloir encadrer les multinationales et prendre le problème à bras le corps, ce qui n’est pas le cas : la France et l’OCDE sont encore loin du compte dans la lutte contre l’évasion fiscale.
Pire, depuis plusieurs années, les gouvernements sont lancés à pleine vitesse, et de leur plein gré, dans une course au moins-disant fiscal, au nom de l’attractivité économique et d’un chantage à l’emploi. Il est temps de dénoncer l’hypocrisie des Etats qui participent au jeu dangereux de la concurrence fiscale qui tire tout le monde vers le bas. Il est temps de dénoncer l’hypocrisie des Etats qui se rendent complices des multinationales désireuses de s’installer dans des juridictions à toujours plus faible imposition (...)
La France est elle aussi complice de ce système généralisé en actant dans son propre budget une baisse de l’impôt sur les sociétés et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.
L’Europe aussi est responsable. Ce que nous ont révélé les Paradise Papers à travers les cas de Nike, Whirlpool ou Apple, c’est que le système d’évasion fiscale est organisé depuis des Etats de l’Union européenne, dans des pays qu’il est temps de qualifier de paradis fiscaux. Les Pays Bas, l’Irlande, le Luxembourg, la Belgique, ou Malte sont capables de redoubler d’ingéniosité pour modifier leurs règles fiscales. Des failles fiscales ensuite largement exploitées par les cabinets d’avocats et leurs clients pour payer le moins d’impôt possible.
Mettre fin aux scandales fiscaux est possible et demande une réelle volonté politique, au-delà des discours indignés en réaction à l’actualité.
Oxfam, ONG engagée depuis des années dans la lutte contre l’évasion fiscale et les inégalités, a ainsi formulé cinq recommandations prioritaires à l’attention du Gouvernement français. Cinq solutions qui peuvent commencer à s’appliquer tout de suite. (...)
Enfin, et c’est le combat pour demain, il est fondamental de réformer en profondeur notre système fiscal international, vieux de plus d’un siècle, qui n’est clairement plus adapté à la mondialisation d’aujourd’hui, puisque 60 % des échanges commerciaux se réalisent entre les filiales d’une même multinationale.
Le changement est désormais entre les mains des responsables politiques. Il en va du crédit de la puissance publique face au pouvoir des multinationales. Il s’agit aussi de répondre à l’exaspération des citoyens face aux comportements d’impunité. Des citoyens qui demandent à ce que les lignes bougent : 75% des Français estiment que la fraude fiscale n’est pas assez sanctionnée.
Plus que jamais, transformons l’indignation en action !