
La psychologie positive a transformé la quête du bonheur en tyrannie. Et les individus en bons petits soldats de la société néolibérale, explique la sociologue Eva Illouz.
appy, « heureux » en anglais, répété cinquante-six fois au cours d’une même chanson ; des gens, toutes couleurs et générations confondues, manifestant leur bonheur en dansant dans les rues du monde entier, dans un clip viral… En 2013, Happy, le tube de Pharrell Williams, avait porté tout en haut des ventes la vague de félicité qui emporte notre planète. Au point de la tyranniser ? Selon la sociologue israélienne Eva Illouz, professeure à l’Université hébraïque de Jérusalem et directrice d’études à l’EHESS, auteure avec Edgar Cabanas d’Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, la psychologie positive, née aux Etats-Unis à la fin des années 1990, qui promeut à tout-va l’épanouissement personnel et le bien-être, a fait des ravages. Le bonheur n’est plus une émotion, idéale source de vertu durant des siècles de philosophie, il est devenu une injonction de tous les instants, une norme sociale qui dicte sa loi et enferme l’individu dans un moule. « Le portrait-robot de la personne heureuse correspond point par point au portrait idéal du citoyen néolibéral »… (...)