
L’incitation perpétuelle à nous définir nous fait trop souvent oublier nos ambivalences, nos angles morts, nos pulsions. Nous sommes divisés et multiples –déviants, parfois. En bousculant nos idées reçues, en nous livrant ses réflexions et son intimité, la psychologue et YouTubeuse Mardi Noir nous invite à composer avec ce qui nous encombre : nos corps, nos peurs et nos désirs. Neuf portraits parcourent Êtes-vous bien sûr d’être normal ? – Comment la psychanalyse m’a guérie des conventions, paru ce 27 janvier aux éditions Flammarion, dont nous publions ici un extrait.
Le normal n’est pas un thème de psychanalyse. Il a en revanche sa place dans la grande famille que constitue la psychologie, la discipline qui s’évertue à produire une théorie de la psyché –à savoir l’ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de l’être humain, sa morale, ses désirs, ses déviances, ses souffrances, etc. Il est cependant délicat d’établir ce qui tient du normal et de l’anormal, c’est-à-dire du pathologique. C’est pourquoi la psychanalyse, avec Freud, s’est penchée avec intérêt sur ce qui diffère des comportements dits « réglés », notamment à travers les questions sexuelles.
On le sait, le XIXe siècle et le début du XXe sont dominés par des tabous majeurs en matière de sexualité. En démontrant que la perversion n’est pas qu’une déviance mais l’affaire de tout un chacun, Freud secoue la morale de son époque. Si l’accouplement est en ce temps l’acmé de toute relation sexuelle, il montre qu’un simple baiser langoureux devrait être alors tenu pour une perversion. Une façon pour Freud de prouver que l’hétérosexualité n’échappe pas au plaisir déviant de toute logique reproductive et contient, elle aussi, ses propres schémas pervers.
La théorie analytique a alors pris en compte les incohérences du sujet, non pour les corriger mais pour leur donner un sens singulier. Ainsi, elle se distingue d’une doctrine qui distribuerait les bons et les mauvais points pour ce qui est à faire ou non. (...)
Le normal n’est pas un thème de psychanalyse. Il a en revanche sa place dans la grande famille que constitue la psychologie, la discipline qui s’évertue à produire une théorie de la psyché –à savoir l’ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de l’être humain, sa morale, ses désirs, ses déviances, ses souffrances, etc. Il est cependant délicat d’établir ce qui tient du normal et de l’anormal, c’est-à-dire du pathologique. C’est pourquoi la psychanalyse, avec Freud, s’est penchée avec intérêt sur ce qui diffère des comportements dits « réglés », notamment à travers les questions sexuelles.
On le sait, le XIXe siècle et le début du XXe sont dominés par des tabous majeurs en matière de sexualité. En démontrant que la perversion n’est pas qu’une déviance mais l’affaire de tout un chacun, Freud secoue la morale de son époque. Si l’accouplement est en ce temps l’acmé de toute relation sexuelle, il montre qu’un simple baiser langoureux devrait être alors tenu pour une perversion. Une façon pour Freud de prouver que l’hétérosexualité n’échappe pas au plaisir déviant de toute logique reproductive et contient, elle aussi, ses propres schémas pervers.
La théorie analytique a alors pris en compte les incohérences du sujet, non pour les corriger mais pour leur donner un sens singulier. Ainsi, elle se distingue d’une doctrine qui distribuerait les bons et les mauvais points pour ce qui est à faire ou non. (...)
À quelle norme me référer pour évaluer mon pétage de plombs ? Ai-je même un quelconque besoin de m’évaluer ? Toute la difficulté de ce sujet est contenue dans la formule : « Suis-je normal ? » La réponse « oui » correspond à une banalité décevante. « Non » équivaut à une affolante marginalité. Pour compliquer la portée d’une telle question, cette normalité s’interroge au regard d’une époque donnée. Ce contexte change et évolue en fonction de nos croyances et savoirs, faisant du normal un caractère secondaire de l’expérience humaine, une donnée acquise, qui n’a rien de naturel. (...)
Rentrer dans le cadre ?
Beaucoup se disent qu’ils aimeraient une solution toute faite à leur disposition pour mettre fin à leurs malheurs. Moi comprise. Mais ceux qui s’y essaient dérivent souvent du côté de la coercition ou du guide prémâché pour apprendre à gérer leur vie sans trop gêner. Difficile qu’il en soit autrement. Il faut lire les récits de traitements de l’hystérie par l’introduction de godemiché des médecins du XIXe siècle, les lobotomies, l’enfermement.
La fureur de guérir concerne le plus souvent le comportement du sujet jugé problématique et non ses besoins propres. Le consentement s’obtient facilement, puisque la finalité promise est « vous serez normal ». Traduire par « sans souffrance ». Pour votre bien, vous penserez chaque matin à vos troubles obsessionnels compulsifs et, au lieu d’ouvrir la porte seize fois, vous ferez trente-quatre pompes, ce qui vous permettra en plus de perdre un peu ce poids que vous avez en trop. Remplacer une aliénation par une autre sous l’égide du chef en blouse blanche.
Telle une brebis errante, il m’adoube du grade d’autiste, de bipolaire, d’hyperactive ou autres particularités psychiques et m’indique la marche à suivre pour que ma vie soit alors la plus douce possible. Ces mots s’accrochent. C’est dur de s’en défaire. Mon premier psychiatre m’avait dit que je souffrais d’une névrose phobique narcissique. C’est certain. Et après ? Je dis « et après » aujourd’hui ; à l’époque, ça m’a collé à la peau. Bonjour, je suis Emmanuelle, névrosée phobique narcissique. Si Twitter avait existé en ce temps-là, je l’aurais sans doute indiqué dans la biographie de mon profil.