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Basta !
Si elle gagne, la gauche n’aura aucun droit à l’erreur
Article mis en ligne le 24 avril 2012

Ce premier tour marque une radicalisation sans précédent de l’électorat de droite, qu’il demeure fidèle au sarkozysme ou qu’il lui préfère le Front national. La démocratie, que l’on peut sacrifier, est devenue leur variable d’ajustement. En face, de lourdes responsabilités pèseront sur les épaules de la gauche, quelles que soient ses composantes, si elle accède au pouvoir.

(...) quoi qu’en disent les sondages, le second tour est loin d’être joué. Malgré la contre-performance du président sortant, les droites dures n’ont jamais été aussi fortes. L’UMP et le FN, auxquels vient s’ajouter le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, frôlent les 47% des suffrages. Soit trois à quatre points de plus qu’en 2007 ! [2]. Non seulement le FN siphonne à son tour les voix de l’UMP, mais il attire de nouveaux électeurs. L’extrême droite n’a jamais été aussi puissante électoralement, rassemblant près de 6,5 millions de voix. Contrairement à ce qu’avaient assuré bien des commentateurs au soir du premier tour de 2007, Sarkozy n’a pas fait revenir une partie des électeurs frontistes dans le giron républicain. Bien au contraire ! (...)

Dans un monde envahi par l’incertitude – économique, sociale, climatique, énergétique, géopolitique –, cette photographie électorale révèle une double radicalisation de plus en plus extrême des électorats de droite. Radicalisation des possédants, vis-à-vis de tout ce qui « pèse » sur leurs modes de vie : fiscalité à alléger voire à supprimer, services publics à privatiser, intérêt général à saper, préoccupations écologiques à combattre. Toute notion de solidarité est à bannir, quitte à stigmatiser et diviser toujours plus. Eux continuent d’adhérer au sarkozysme, dont le discours marginalise à droite ceux qui affichent encore quelques préoccupations sociales, de l’héritage gaulliste au social-libéralisme éthique proposé par François Bayrou. On l’a constaté dès la soirée électorale. Les écrans de fumée pour faire oublier les déboires du néo-libéralisme et du capitalisme financier ont repris de plus belle. Au choix : viande hallal, droit de vote de résidents étrangers aux élections locales, immigration…
« Les Français ont le droit à la vérité et la clarté », scande Nicolas Sarkozy au soir du premier tour. Lui, qui invente des chiffres, méprise les faits, propose des mesures qu’il n’a pas su mettre en œuvre, caricature les débats, bafoue toute éthique. (...)

La fracture géographique s’accentue entre ceux qui peuvent malgré tout espérer se raccrocher à la mondialisation économique ou culturelle, et ceux qui se sentent écartés voire méprisés : les quartiers populaires périphériques des villes centre ont souvent préféré le Front de gauche au FN, à l’inverse des zones semi-rurales.
(...)

Et la gauche dans tout ça ? La situation est paradoxale : le score du FN est alarmant mais le rejet du sarkozysme et l’impératif d’une véritable redistribution des richesses, amenée au cœur du débat par le Front de gauche, laissent quelques lueurs d’espoir. Quels auraient été le score du FN et le taux d’abstention si la campagne de Jean-Luc Mélenchon ne s’y était pas attelé ? Et si Eva Joly n’avait régulièrement appelé de ses vœux une République exemplaire ? Seule une véritable transformation sociale, accompagnée d’une reconversion écologique de l’économie et d’une transition énergétique, sont en mesure de nous faire passer le cap des crises et incertitudes actuelles, sans sombrer dans une répétition post-moderne des drames du 20ème siècle. Avec deux interrogations fondamentales : cette transition est-elle possible dans le cadre du système actuel, et si non, comment poser les bases d’un nouveau système ? Comment y associer pleinement les populations qui se sentent aujourd’hui déclassées et écartées, qui voient leurs marges d’autonomie et leur horizon des possibles perpétuellement réduits ?
(...)

L’expérience des trente années passées, où la gauche lorsqu’elle était au pouvoir n’a fait qu’accompagner – en la rendant un peu moins inacceptable – l’absurdité du néo-libéralisme financier, nous permet de répondre à la première question. L’injonction permanente à s’adapter au cadre actuel, à se féliciter des quelques marges de manœuvre, de plus en plus réduites, qu’il nous concède, n’est plus de mise. Le retour à la situation antérieure n’est pas non plus une perspective. Choisir entre petits ajustements et grands renoncements ne doit plus être la seule alternative. Si cela reste le cas, nous irons dans le mur, socialement et écologiquement. (...)

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