
Maurice Audin, Mehdi Ben Barka, Robert Boulin, Bernard Borrel, Thomas Sankara, le Bugaled-Breizh, la Caravelle Ajaccio-Nice, autant de noms parmi des dizaines d’autres qui ont fait la une de l’actualité, autant d’affaires où l’État français est directement impliqué et qui ne sont toujours pas élucidées dix, vingt, cinquante, voire plus de soixante ans après les faits.
Comment justifier qu’en France, la patrie des droits de l’homme, le pouvoir exécutif puisse systématiquement invoquer le secret de la défense nationale au nom de la raison d’État et répondre au citoyen qui réclame la vérité, à la victime qui réclame justice : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »
Dans les affaires regroupées au sein du collectif Secret-défense : un enjeu démocratique, les documents sensibles, classifiés selon trois niveaux (confidentiel-défense, secret-défense, très secret-défense), sont le plus souvent inaccessibles ou inexploitables. En effet, la procédure ne respecte pas la séparation des pouvoirs puisque celui qui classifie – le pouvoir politique – est aussi celui qui choisit ou non de déclassifier. Seuls sont déclassifiés, quand ils ne sont pas en partie rendus illisibles, les documents pas trop embarrassants, « la bibliothèque rose » selon l’expression du juge Trévidic. Comme en plus la classification est massive et souvent abusive, autant chercher une aiguille dans une meule de foin pour trouver l’archive pertinente. (...)
Faut-il rappeler à l’État que faire obstruction à la manifestation de la vérité sur des faits criminels est pénalement répréhensible ?
Héritage de l’Ancien Régime, le secret-défense tel qu’il fonctionne actuellement est indigne d’un régime démocratique. L’autocontrôle instauré depuis 1998 par une commission administrative est notoirement insuffisant et contraire aux engagements européens de la France.
Le collectif Secret-défense : un enjeu démocratique, regroupant à ce jour 16 affaires d’État, s’est constitué en septembre 2017 avec pour objectif de réformer le secret-défense en le soumettant au contrôle d’une juridiction indépendante dans laquelle l’État ne serait plus à la fois juge et partie, afin de mettre la loi française en conformité avec la Cour européenne des droits de l’homme.
Notre objectif est d’alerter le citoyen, mais aussi les parlementaires, les institutions pour qu’une réforme (en cours) de la procédure actuelle fasse droit aussi bien à la raison d’État, quand elle est justifiée, qu’au citoyen, quand il est victime d’une ténébreuse affaire.
Il faut en finir avec le double langage des autorités. (...)
Il s’agit de passer du culte de l’État fort qui a tous les droits à une culture de l’État juste qui garantit les droits de tous les citoyens.