
Chaque jour des milliers de milliards de dollars de transactions sur les devises, sur les actions, sur toutes les valeurs qui peuvent varier dans le temps, sur tout ce qui peut servir de support à la spéculation ; la finance a bâti une multitude d’outils financiers permettant de faire de l’argent sur de l’argent, de s’enrichir en laissant les ordinateurs et les algorithmes travailler.
Chaque jour, cette économie dématérialisée gonfle un peu plus et parasite, menace l’activité réellement productive. En attendant l’éclatement de la prochaine bulle, elle produit ses effets délétères sur les citoyens et les travailleurs de l’économie réelle ; chaque jour des millions de paysans souffrent de par le monde de la spéculation sur les matières premières, chaque jour les prix de certains aliments de base augmentent à cause de Wall-Street pendant que les traders de grandes banques engrangent des primes faramineuses. Mais les logiciels et les algorithmes n’ont pas d’âme, ils fonctionnent sans conscience. La bourse n’a pas d’affect. Derrière les écrans, dans les salles de marché, des hommes font taire leur conscience pour se concentrer sur la technique financière et tirer le maximum de profit des lois du marché que les néolibéraux entendent bien soustraire à la volonté et la conscience politiques.
Malgré la crise financière de 2008, les gouvernements se refusent toujours à dompter ce cheval fou qui permet aux grandes banques d’engranger des profits gigantesques. Pour réguler, pour décourager ou au moins limiter la spéculation, il faudrait taxer l’ensemble de ces transactions et ne pas se contenter de demi mesures. Une partie du produit de ces taxes pourrait notamment être versée aux pays en développement afin de financer leur transition énergétique.
Emmanuel Macron le sait et il entend bien se donner bonne conscience. Alors , dans l’enceinte de la Sorbonne, il déclare vouloir généraliser en Europe une taxe sur les transactions financières qui serait « affectée intégralement à l’aide » au développement alors même que le projet de loi de finances pour 2018 renonce finalement à une taxation des transactions dites "infra-journalières"(ainsi qualifiées car consistant à acheter puis revendre des titres dans la journée), le cœur de cible du trading haute fréquence(Lire ici). Le double discours est patent. Cela ne coûte rien d’être généreux à l’échelon européen, en particulier quand on sait qu’on en sera finalement empêché !
A Tallinn, après avoir justifié à l’intérieur des frontières nationales une nouvelle diminution de la fiscalité des entreprises, Macron endosse encore son uniforme de grand régulateur européen pour proposer de taxer les géants d’internet, les fameux « GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon), sur les chiffres d’affaires réalisés dans les différents pays. Encore « une régulation ambitieuse » pour le chantre d’une économie libérée !
Jupiter est aussi le dieu Janus, le dieu aux deux visages.
Sur la scène internationale, et notamment à la tribune des Nations Unies, il veut être le représentant du pays des droits de l’homme, un président sage qui en appelle à la conscience « de ceux qui veulent construire un monde meilleur ». Il se gargarise de bonnes paroles, il a de grands projets. Ainsi, face au nationalisme étroit et frileux d’un Donald Trump qui lui sert de faire-valoir, il plaide pour un multilatéralisme « fort et responsable ». Mais dans le même temps la France se ferme de plus en plus aux migrants et, dans ce domaine comme ailleurs, « le gouvernement opte pour le tout répressif » comme le note Caroline Fouteau de Médiapart. Il exhorte le Président des USA à ratifier l’accord de Paris mais se refuse à faire obstacle au CETA qui aura un impact très négatif sur le climat. Pour avoir organisé et ratifié cet accord, la France semble avoir acquis le statut de pays des droits écologiques et Macron se présente volontiers comme le héraut d’une cause pour laquelle il ne s’est jamais véritablement battu. La COP 21 n’en finit pas d’être instrumentalisée. Dans un monde voué à la compétition libérale, l’accord sur le climat menace de n’être qu’une coquille vide, un simple outil de promotion de la voiture électrique. Pour nos bonimenteurs politiques, il joue le rôle d’un talisman censé nous protéger et nous sécuriser, une perle de pacotille qui brille et n’éblouit encore que les naïfs. Les aides promises aux pays en voie de développement pour faire face au changement climatique ne seront probablement jamais honorées. Ainsi, en France, les crédits alloués à l’ "aide publique au développement" atteindront péniblement 2,7 milliards d’euros l’an prochain, en augmentation de seulement 100 millions d’euros, alors que l’objectif – fixé à l’horizon 2022 - d’une aide de 0, 55% du revenu national représenterait un montant d’environ 13 milliards d’euros.
Toujours l’engagement et la volonté au niveau du discours mais, dans les faits, le « laissez faire, laissez passer » !
Sur les estrades, dans ses discours à l’étranger, Emmanuel Macron fait parler sa conscience, Il se fait alors l’avocat d’une économie régulée, soumise à la volonté politique, une économie qui se veut au service des hommes. Il se donne bonne conscience. Mais, à l’intérieur des frontières nationales, dans son bureau de L’Elysée, Emmanuel Macron est un adepte de la dérégulation, incarnant un néolibéralisme dur. L’économie qu’il promeut est une économie qui ne doit obéir qu’à ses propres lois, une économie mécanique, sans morale, sans véritable projet, sans garde-fou, juste une économie au service de l’argent.
En ce début de quinquennat, il faut prendre aux pauvres et donner aux riches. Plus tard, seulement plus tard, on pourra redistribuer, atteindre le plein emploi, augmenter les salaires, verser des aides, s’occuper des plus faibles et du climat.
Plus tard, il sera toujours temps d’écouter sa conscience. . .
Mais, il faudrait prendre les bonnes décisions maintenant car « à long terme nous serons tous morts » disait Keynes.