
(...) Madame Lagarde a bien raison, « [Ils) devraient commencer par s’entraider collectivement,
en payant tous leurs impôts » ; il est vrai que cette admonestation qu’elle confiait le 25 mai 2012 au
journal The Guardian visait spécifiquement « les Grecs » ! On peut supposer que seule la pudeur a
conduit la directrice générale du FMI à ne pas nommer ceux à qui s’adressait cette vertueuse
recommandation : les armateurs grecs, l’Église grecque et l’industrie grecque de l’armement, à
propos desquels plusieurs évaluations soulignent que les montants détenus par ces agents
économiques dans des banques étrangères, notamment suisses, représenteraient un montant
sensiblement supérieur aux 350 milliards d’euros de la dette publique de la Grèce. Cet appel à la
coopération est du meilleur aloi...
(...) C’est bien d’une insurrection morale et intellectuelle dont il s’agit ; il faut, en effet, se
dégager de cette idéologie dominante qui imprègne tout et qui voudrait que tout soit consacré
« marchandise » et alors offert au « Marché » qui, bien mieux que les peuples, saura décréter ce qui
convient à tous. La Grèce d’aujourd’hui n’a pas pu encore, contrairement à ce que narraient leurs
ancêtres, capturer et enfermer ce Minotaure moderne. Ce sont, nous les peuples, européens d’abord,
qui devons prendre la place d’Ariane pour parvenir à anéantir le monstre. Ne nous y trompons pas,
le capitalisme est encore beaucoup plus imaginatif que Dédale pour inventer des labyrinthes qu’il
imagine inextricables ! Son fil, à lui, c’est la compétition ; imposons la coopération.
Mais c’est aussi d’une insurrection politique citoyenne dont l’Europe a besoin pour imposer
cette coopération. Et cela de manière urgente, tant l’allégeance des institutions européennes et des
gouvernements est allée loin dans l’acceptation et l’accompagnement des exigences de la finance
mondiale.
À l’heure où personne ne sait comment on va sortir du chaos dans lequel celle-ci a plongé
presque toutes les économies, les propositions hétérodoxes ne sont pas encore suffisamment
convergentes. En effet, certains prônent la sortie individuelle de l’euro, d’autres préfèrent refuser
collectivement d’appliquer l’austérité inscrite dans le Pacte budgétaire. Le rôle que doit jouer la
Banque centrale européenne est également en débat : doit-elle ou non financer directement les
déficits publics ? Pourquoi le Mécanisme européen de stabilité n’aura-t-il pas le statut de banque
publique ? Comment annuler les dettes illégitimes ? Autant de questions, parmi bien d’autres, que
les documents de ce dossier passent en revue. (...)