
« Pendant qu’on chante leurs louanges, les psychologues sont oubliés. » En hausse depuis le début de la crise sanitaire, les troubles dépressifs ou anxieux touchent aujourd’hui 30 % de la population. Une épidémie dans l’épidémie qui a rappelé le besoin d’améliorer la prise en charge de la santé mentale en France et le rôle primordial des psychologues pour prévenir et soigner ces troubles.
Le ministre de la santé, Olivier Véran, pendant le Ségur de la santé en juillet 2020 – lors duquel les psychologues n’ont pas obtenu de revalorisation –, a évoqué le besoin de rendre « plus facile et universel » l’accès aux psychothérapies. Une nécessité alors que ces consultations ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale et que le service public a été abandonné au profit du libéral. Pourtant, l’exécutif a tardé à agir et ses rares propositions paraissent peu ambitieuses, et même inefficaces. Les psychologues se sentent aujourd’hui méprisés et disqualifiés par un gouvernement qui, selon eux, ne reconnaît pas leurs compétences propres et les instrumentalise pour les besoins de sa communication.
Un appel à la grève et à la mobilisation des psychologues, ce jeudi 10 juin, a été lancé par la CGT, la Fédération française des psychologues et de la psychologie (FFPP) et le Syndicat national de la psychologie. Leur mot d’ordre : « Halte à la prolifération des mesures et annonces qui disqualifient les psychologues, se construisent sans leur participation et sans leur avis », peut-on lire dans leur « Appel du 10 juin ». En cause, notamment, les différents protocoles annoncés pour proposer un remboursement des séances de psychothérapie : les « chèques psy » jeunes, mis en place en février, qui offrent aux étudiants trois séances, et le protocole Psy Enfant Ado, de dix séances, à destination des mineurs. Des protocoles très lourds, pour le patient comme pour le professionnel, qui paraissent jusque-là inefficaces. Sur les trois premiers mois de vie des « chèques psy », moins de 1 000 rendez-vous ont été honorés.
Un protocole éprouvant pour le praticien et pour le patient (...)
Le service public de prévention des troubles psychiques abandonné
Selon les délégués ministériels qui travaillent sur la pérennisation de ce système de remboursement, l’exécutif ne compte pas céder sur les deux points noirs de ce protocole : la prescription du médecin et le tarif. (...)
Comme Vanessa Persicot, une centaine de praticiens ont ainsi quitté le dispositif expérimental, expliquant que, même en enchaînant les séances, ils ne parvenaient pas à toucher l’équivalent d’un Smic. La CGT plaide ainsi pour un remboursement à 100 % de l’ensemble d’une psychothérapie, quelle que soit sa durée, à un tarif plus élevé. (...)
Sur le long terme, la démocratisation des psychothérapies permettrait également de désengorger des unités psychiatriques qui, aujourd’hui, débordent et sont les parents pauvres de l’hôpital public.
Mais, si le remboursement des consultations en psychologie est aujourd’hui devenu une nécessité en termes de santé publique, c’est parce que le service public de prévention des troubles psychiques a été abandonné au profit d’une politique de libéralisation de la santé. Depuis le milieu des années 2000, à force de fusions et de fermetures de postes et de centres, les moyens humains des centres médico-psychologiques (CMP), qui proposent des prises en charge psychologiques gratuites, sont quatre fois moins importants. Il faut aujourd’hui plus d’un an, en moyenne, pour obtenir un rendez-vous.
Engoncés dans leurs dogmes, malgré les évidences révélées par la crise sanitaire et son impact sur la santé mentale des Français, Emmanuel Macron et le gouvernement semblent incapables de changer de logiciel. Plus encore que les psychologues, ce sont les patients qui en souffrent.