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France TV Info
Salon de l’agriculture : pourquoi la filière bio est en pleine crise de croissance
#agriculturebiologique #UrgenceClimatique #Biodiversité
Article mis en ligne le 27 février 2023
dernière modification le 26 février 2023

Les professionnels du secteur pointent le rôle de l’inflation, mais également une perte de crédibilité du label et un manque de soutien politique.

Après plusieurs années de forte croissance (les ventes avaient doublé entre 2015 et 2020), le secteur, qui va tenter de profiter du Salon de l’agriculture qui s’ouvre samedi 25 février à Paris, connaît un net ralentissement. A la fin du mois d’octobre 2022, la baisse s’élevait à près de 5% sur un an, selon l’Institut IRI, spécialiste de l’analyse de données de consommation.

La première cause n’est autre que l’inflation, qui a atteint en France 5,2% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2022 (...)

"Le bio est très sensible au pouvoir d’achat" et ses prix bien plus élevés (30 à 50% plus cher que de l’alimentation conventionnelle selon différentes études) ne sont "pas adaptés au contexte inflationniste", poursuit-il. Selon lui, le bio est "dépriorisé" et ce phénomène "s’accélère". Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) estime que "l’inflation rajoute une couche de désordre absolu dans la priorisation des achats des ménages". (...)

Des labels qui foisonnent

La hausse des prix n’explique cependant pas tout. Dans les rayons, le foisonnement d’étiquettes plus ou moins vertes peut prêter à confusion. (...)

Le bio (c’est-à-dire les produits portant le logo bio européen et ceux portant la marque française AB, dont la mention est facultative) est désormais accompagné de nombreux macarons : "Haute Valeur environnementale", "Bleu-Blanc-Cœur", "sans pesticides", "sans nitrites" ou encore des étiquettes vantant une production locale ou une dimension éthique.

Ces appellations, qui servent à promouvoir des pratiques présentées comme plus vertueuses que celles de la filière conventionnelle, tendent à relativiser la portée du bio, bien que certaines répondent à des obligations moins contraignantes. (...)

face à cette multiplication dans les grandes surfaces, la valeur du label a été diluée. (...)

Laure Verdeau rappelle qu’un agriculteur bio se passe de 90% des substances chimiques autorisées pour ne garder que les plus naturelles. Ce qui permet notamment une biodiversité 30% plus importante sur les parcelles bio, une fertilité des sols préservée, des nappes phréatiques moins affectées, ou encore des polluants qui ne se retrouvent ni dans l’air ni dans les poumons de l’agriculteur. "Il faut réalphabétiser le consommateur sur ce qu’est le bio. C’est un enjeu pour être une démocratie alimentaire. On ne peut pas avoir des citoyens qui ne savent pas faire la différence entre bio et ’simili-vert’" (...)

La directrice de l’Agence bio juge indispensable de relancer des campagnes de communication à grande échelle. Elle attire l’attention sur celle intitulée "Pour nous et pour la planète, #BioRéflexe", menée entre mai 2022 et octobre 2022. Un succès, assure-t-elle. Trois études d’impact ont montré qu’elle "avait renforcé la confiance dans le bio – qui est en train de baisser –, renforcé sa compréhension et qu’elle avait généré entre 4 et 5% de ventes supplémentaires là où la campagne avait été diffusée".

Les professionnels et spécialistes du secteur interrogés par franceinfo s’accordent effectivement sur un point : la communication est l’un des nerfs de la guerre pour ce marché. (...)

Une politique de soutien "insuffisante"

La Cour des comptes a dressé un bilan similaire dans un rapport publié en juin dernier : "L’Agence bio, principal opérateur de l’Etat pour la filière bio en France, ne dispose pas de moyens à la hauteur de ses missions, en particulier pour la communication." Mais, au-delà du volet com’, la Cour des comptes juge plus globalement que "la politique de soutien à l’agriculture biologique reste insuffisante". (...)

Le bio n’est plus porté politiquement au plus haut niveau (...)

"un essoufflement majeur depuis de nombreuses années". Il mentionne la suppression d’aides aux agriculteurs, "la mise en valeur surdimensionnée du label ’Haute Valeur environnementale’" et le fait qu’il soit, dans la loi Egalim, "au même niveau" que le bio pour accéder au quota écologique dans la restauration collective (...)

différence de traitement avec le non-bio, évoquant par exemple le plan d’urgence de 270 millions d’euros lancé en janvier 2022 pour soutenir la filière porcine. (...)

Dans ce contexte plombant, Philippe Camburet reconnaît qu’une "sinistrose s’installe sur la production bio". "Dans certaines filières, les éleveurs s’arrêtent" (...)

"Des marges de progression énormes"

Le cabinet Xerfi, spécialiste des études sectorielles, entrevoit, comme l’Agence bio, une sortie du tunnel pour 2024. "Il ne faudrait pas que cela dure trois ans comme ça", souffle Pierrick de Ronne, même si Biocoop est moins touché que l’ensemble du marché spécialisé.

En attendant, Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, a identifié des pistes pour faire progresser la filière de façon structurante. Elle rappelle que l’on trouve en France seulement 6% de bio dans les cantines, loin des 20% mentionnés dans la loi Egalim. Ces seuils représenteraient 1,4 milliard d’euros supplémentaire pour la filière bio en France (sur un marché de 13 milliards d’euros en 2021).

Laure Verdeau évoque également la restauration commerciale, "un angle mort", où le bio représente moins de 2% de l’offre. (...)

Le ralentissement actuel n’est que temporaire, veulent croire les professionnels du secteur, réclamant toutefois des plans ambitieux et rapides pour redresser la barre durablement. "Le bio, c’est le sens de l’histoire", répètent-ils à l’unisson.