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Entre les lignes, entre les mots
S’interdire de pleurer afin de ne pas se noyer dans ses propres larmes
Dima Wannous : Ceux qui ont peur Traduit de l’arabe (Syrie) par François Zabbal Editions Gallimard, Paris 2019, 218 pages, 21 euros
Article mis en ligne le 6 août 2019
dernière modification le 4 août 2019

Dima Wannous nous propose une mise en abime, une construction en miroir, un dispositif narratif troublant. Au récit raconté par Sulayma, « Je n’aime pas les choses complètes, rondes, finies », comme un contrepoint, un roman écrit par Nassim.

Passé, angoisse, peur, « Plutôt par peur de la peur », ne relèvent pas seulement de deux histoires individuelles travaillées avec Camille psychiatre, de sentiments échangés ou non entre elleux, du cœur de la ville et des violences, du régime et de ses actions contre la révolution…

L’effroi omniprésent mais insaisissable au coeur de l’écriture. Le silence et les échanges lents et plus ou moins inquiets, « Car, quand on connait bien, qu’on sait toute l’histoire et que toute nouvelle surprise s’estompe, on cesse de regarder et on cherche dans le néant un endroit où se réfugier loin de ces yeux douloureusement familiers », les mémoires et les imaginations, les troubles aussi – il en sera de même pour le lecteur et la lectrice, le roman de Nassim est écrit à la première personne et c’est une femme qui s’exprime, « (Quand j’ai lu le manuscrit du dernier roman de Nassim, je m’y suis retrouvée. Nassim m’a pillé pour écrire son roman… Je ne lui ai rien dit) ».

L’épreuve des rêves, le rejet des appartenances, la désertion de la mémoire « pour investir la vie des autres », l’amertume, « je sens une amertume filtrer de ce sourire fermé et absent qui ne dure que quelques instants », les larmes séchées, les histoires réelles et fantasmées des relations familiales, la peur encore et toujours, « la peur est épuisante et exténuante », la/le meurtrier et sa victime, les univers réinventés des familles, Damas et la ville libanaise de Tripoli, « La guerre a brouillé la géographie et redessiné les routes et les frontières » (...)

L’extrême difficulté à écrire « sur une révolution qui se déroule sous nos yeux et nous affecte », l’usage des psychotropes et autres antidépresseurs, la fatigue, un baiser prudent, les souffrances de million de personnes, le pouvoir de l’accent, « C’est l’identité du pouvoir absolu, et l’identité du despote et du tyran », les ombres, la folie comme résistance, la révolution et le nous… (...)

Les résonances et les échos d’une guerre contre les populations, les engrenages de l’angoisse et les mémoires blessées, « Moi, je n’ai pas de maison, mais quelque chose m’attend là-bas, et rien ne me retient ici », la simple et terrifiante mise en littérature du sentiment de peur par une écrivaine syrienne.