On ignore si elle égayait déjà l’homme de Neandertal dans sa caverne, mais la figure de l’arroseur arrosé offre à l’humanité une source de joie intarissable. En mai dernier, le Financial Times révélait qu’une campagne de publicité en ligne de la marque Mercedes-Benz avait été majoritairement visionnée par... des robots. D’ingénieux filous ont en effet conçu des programmes capables de feindre la présence d’internautes sur des sites factices afin d’appâter les annonceurs et d’empocher leurs euros.
(...) Au centre de ce système, des plates-formes entièrement automatisées mettent en relation annonceurs et éditeurs de sites. Suivant un modèle inspiré des marchés financiers, des enchères proposent en temps réel à chaque publicité un espace sur le site qui, à cet instant, lui correspond le mieux. Et l’annonceur le plus offrant gagne sa place sur la page convoitée. Les escrocs adorent fausser cette brillante mécanique : il leur suffit d’inonder les plates-formes avec des offres d’emplacements sur des sites où grenouillent des visiteurs imaginaires.
Tel fut le destin des annonces de Mercedes.
La marque allemande avait sollicité Rocket Fuel, une société de marketing numérique qui promettait « un succès triomphal pour nos clients et une meilleure expérience en ligne pour les consommateurs grâce au big data et à l’intelligence artificielle ». Mais, sans doute encore trop artificiellement intelligent, l’automate a placé une partie des annonces sur des sites fantômes où des robots miment la présence de visiteurs. « Nous rejetons quotidiennement environ 40 % des emplacements car ils ne passent pas nos filtres de sécurité (2) », a reconnu Rocket Fuel dans un piteux communiqué. Filtres qui sont eux-mêmes... des programmes informatiques.
Autrement dit, des robots veillent à ce que des annonces ventilées sur le Net par des robots ne soient pas visionnées par des robots. Rarement l’utilité sociale de l’industrie publicitaire aura été illustrée avec autant de talent.