
Vingt ans après la chute du mur de Berlin, Timothy Garton Ash écrivait : « en 1989, les Européens ont proposé un nouveau modèle de révolution non-violente – de velours » (1). Quelques années plus tôt, au contraire, il avait utilisé un néologisme intéressant – la « réfolution » (2) – pour décrire le type de changements systémiques qui s’étaient produits, combinant les caractéristiques des révolutions et des réformes d’en haut. Je veux soutenir et développer ici ce néologisme en opposition à l’épithète « pur », comme étant plus précis pour analyser les ambiguïtés mêmes des transformations historiques qui ont mis fin au « monde bipolaire ».
Je soutiendrai que les mouvements et les mobilisations démocratiques, qui ont eu lieu en 1989 et avant, étaient contre la nomenklatura au pouvoir et, en même temps, n’étaient pas en faveur des principales transformations socio-économiques introduites depuis 1989. Il faut regarder au-delà des étiquettes et des discours idéologiques pour prendre pleinement en compte le rôle des « deals » (ou rapports) internationaux « bipolaires » encore à l’œuvre en 1989, mais aussi le rôle joué par les dirigeants de l’ancien parti unique dans les formes opaques de privatisation : tout cela signifia une absence de véritable processus démocratique de décision quant aux principales réformes dont une part substantielle ont eu un contenu contre-révolutionnaire.
Les aspirations populaires se sont exprimées massivement par des poussées révolutionnaires contre le parti unique et la domination soviétique, comme le mouvement polonais Solidarnosc en 1980-1981. Et ce mouvement était plus proche de l’automne des Conseils ouvriers de Prague en 1968 contre l’occupation soviétique que des thérapies de choc libérales de 1989.
Ces révolutions embryonnaires vers une troisième voie ont été réprimées et démantelées par les puissances dominantes du monde bipolaire à travers différents épisodes, parce que les forces démocratiques mobilisées étaient une alternative à l’ordre politique existant qui tentait d’imposer son propre objectif. Une telle réalité fut camouflée derrière les concepts de guerre froide et la transformation qui a suivi 1989. (...)