
Pour échapper au vote sur la proposition de loi du 8 juin, le pouvoir a imaginé une manœuvre inédite, qui serait portée dans l’hémicycle par la présidente de l’Assemblée nationale. Longtemps réticente à une telle idée, Yaël Braun-Pivet s’y serait résolue mardi matin, lors d’un petit déjeuner à Matignon.
Depuis plusieurs semaines, les stratèges du pouvoir tentent à tout prix de tuer dans l’œuf la proposition de loi (PPL) du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) visant à abroger la réforme des retraites, dont l’examen est prévu le 8 juin à l’Assemblée nationale. Quitte à faire feu de tout bois. Mardi matin, lors du petit déjeuner hebdomadaire de la majorité, Élisabeth Borne et les principaux cadres du camp présidentiel auraient trouvé la martingale.
Après avoir utilisé les articles 47-1, 49.3 et 44.3 de la Constitution pour contraindre la procédure parlementaire en mars, l’exécutif s’apprêterait à en convoquer l’article 40. Celui-ci permet de prononcer l’irrecevabilité financière d’un texte ou d’un amendement, au nom de son impact négatif sur les finances publiques.
Normalement réservée au président de la commission des finances, l’Insoumis Éric Coquerel, la procédure serait activée dans l’hémicycle par Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée. Au prix d’une manœuvre inédite : la suppression en commission de l’article premier du texte et sa réintégration par un amendement dans l’hémicycle, seule façon de contourner les usages de l’institution. (...)
L’éventualité fait bondir Éric Coquerel. « Ça voudrait dire qu’elle me passe dessus pour rendre une disposition irrecevable alors qu’elle a été jugée recevable par la commission des finances, s’indigne le député. Le cas échéant, je serai totalement légitime à déclarer les amendements recevables, au vu de la proposition de loi initiale. » Et l’Insoumis, qui jure n’avoir retrouvé aucun précédent de ce type dans les archives, d’avertir : « J’ai du mal à le croire car ce serait faire l’inverse de ce qu’elle a fait jusqu‘à maintenant, mais si Yaël Braun-Pivet se lançait dans une manœuvre de ce type, ce serait politiquement extrêmement coûteux pour elle. » (...)
Dans le camp macroniste, on justifie cette débauche d’inventivité législative par l’épouvantail que constitue un vote le 8 juin. Un parlementaire souffle : « Vous imaginez si le texte est adopté ? C’est un tsunami ! Ça serait l’arrêt du quinquennat. Après ça, on ne peut plus rien faire. » Un cadre de la majorité confirme : « On est tous d’accord sur un point, c’est qu’on ne peut pas prendre le risque d’aller au vote. Il faut à tout prix l’éviter. » (...)