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Mediapart
Retraites : dans des cortèges moins fournis, l’envie d’en découdre
#greves #manifestations #retraites
Article mis en ligne le 8 février 2023
dernière modification le 7 février 2023

La vague de contestation contre la réforme des retraites a cessé de grossir, mais elle déferle toujours ce 7 février. Pour la troisième journée de mobilisation appelée par les huit syndicats de salarié·es unanimes, après les 19 et 31 janvier, de larges manifestations ont eu lieu dans tout le pays, et dans de très nombreuses communes, bien au-delà des lieux traditionnels de manifestation (lire ici nos récits au cœur de cortèges partout dans le pays).

Le ministère de l’Intérieur a annoncé avoir compté 757 000 manifestant·es – 700 000 personnes hors de Paris, et 57 000 dans la capitale. La CGT, elle, a revendiqué « près de 2 millions » de manifestant·es, dont 400 000 à Paris, autant que le 19 janvier – contre 2,8 millions le 31 janvier.

Comme anticipé, on est loin du record du 31 janvier (1,27 million de personnes dans les rues de France selon la police, un record depuis la fin des années 1980, et 87 000 à Paris). Mais les chiffres restent très hauts, pour une troisième manifestation sur le même thème en moins de trois semaines. D’autant que les syndicats ont aussi donné rendez-vous dans la rue samedi 11 février, faisant le pari que les cortèges grossiront avec les familles, et les salarié·es qui ne peuvent ou ne souhaitent pas poser de jour de grève pour aller manifester.

Pour Guillaume, professeur d’EPS et militant de la FSU croisé à Amiens, il s’agit d’une course d’endurance. « Ce n’est pas de la résignation, c’est de la conscience professionnelle », glisse-t-il en constatant que la fréquentation était moindre. Mais il appelle à scruter « la diversité des profils » présents dans les rues.

Tout comme Agathe, Parisienne défilant « pour la première fois en tant que libraire » : « Notre profession, ce sont principalement des petites entreprises de quatre, cinq, dix salariés. Nous sommes en dessous des seuils de représentations syndicales. » Mais ses collègues et elle mettent un point d’honneur à venir défiler, à trois ou quatre sur les sept employé·es de la boutique, à tour de rôle, patronne comprise. La libraire résume le sentiment général face à la réforme, et sur les mauvaises conditions générales de travail qu’elle fait mine d’oublier : « Derrière la joie qu’on éprouve à manifester toutes et tous ensemble aujourd’hui, il y a tout de même beaucoup de colère… »

La querelle d’interprétation sur ces données ne devrait néanmoins pas manquer de se déployer rapidement, entre un gouvernement et sa majorité parlementaire qui seront enclins à pointer un « essoufflement » du mouvement, et leurs opposants qui se prévaudront de la robustesse du mouvement et de son ancrage territorial.

Lieux de rassemblement toujours nombreux (...)

Chez EDF, plus d’un tiers de grévistes ont entraîné des baisses de production importantes dans les centrales électriques, atteignant en tout l’équivalent de six réacteurs nucléaires. Et la SNCF n’a réussi à faire rouler que deux TGV sur trois, un Intercité sur deux et un TER sur deux. La circulation des trains restera par ailleurs perturbée mercredi, puisque la CGT et SUD ont appelé à une grève de deux jours.

Dans les grandes métropoles régionales, la participation aux manifestations reste importante. (...)

Le nombre d’appels à manifestation dans les différents départements atteint toujours un niveau rarement vu. (...)

Surtout, le mouvement s’enracine dans des villes peu connues pour leur tradition contestataire et qui sont souvent des fiefs de la droite (...)

Des manifestants loin des débats parlementaires

Dans les cortèges, ils étaient bien peu à évoquer les débats qui ont démarré la veille à l’Assemblée nationale. Malgré des premières heures de discussion très agitées, l’inflexibilité du pouvoir, et les cartes institutionnelles qu’il pourrait jouer pour faire passer le texte même sans majorité, ne permet pas de penser que le Parlement pourra jouer un rôle de contre-pouvoir.

Ce mardi en fin d’après-midi, « l’article liminaire », qui introduit le texte de la réforme, a été voté dans l’hémicycle, à une courte majorité. 247 député·es ont voté en faveur d’un appel à supprimer cet article, et seulement 257 ont voté contre. Puis, le propos a été adopté par l’Assemblée nationale avec 246 votes pour et 229 votes contre.

C’est lors des questions au gouvernement que la position de l’exécutif, en la personne du ministre du travail Olivier Dussopt, s’est révélée la plus fragile. (...)

Dans l’intersyndicale, on est conscient de l’impasse qui pourrait se profiler, et les échanges se font plus serrés pour organiser au moins une journée de grève dure, peut-être le 8 mars, après les longues vacances de février, qui s’étalent sur quatre semaines. À ce moment, le texte sera en discussion au Sénat.

Mais pour l’heure, les dirigeants syndicaux, réunis en fin d’après-midi à la Bourse du travail à Paris, n’ont rien tranché. Ils se sont bornés à appeler au retrait du texte et à souligner que le gouvernement « portera la responsabilité des suites de ce mouvement social inédit par son ampleur et désormais ancré dans le paysage social ». Alors qu’ils devaient tenir une conférence de presse, celle-ci a été reportée à la fin de la manifestation de samedi prochain.

Premières failles dans le mouvement ? Jusque-là entièrement alignée sur les positions de l’intersyndicale, la CGT a cette fois également publié un communiqué de son côté. Si le gouvernement s’entête, prévient-elle, « il faudra passer à la vitesse supérieure avec des actions plus marquées, plus longues, des grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives et reconductibles ». L’avertissement vaut sans doute pour le gouvernement comme pour les syndicats les plus sages.