
(...) deux Français sur trois ont froid dans leur logement, malgré le chauffage. Résultat : nous montons allègrement le thermostat dès que le mercure diminue. Et, qui dit radiateur dit énergie, fossile ou nucléaire. Le bâtiment — résidentiel et tertiaire — compte ainsi pour 45 % de la consommation énergétique française et plus d’un quart de nos émissions de gaz à effet de serre.
En 2015, la France s’est donc fixé un objectif : disposer d’un parc bâti « bas carbone », qui consomme peu, à l’horizon 2050. Ce qui signifie construire des habitats performants… et améliorer l’existant. « Pour y parvenir, il faudrait rénover 500.000 logements par an, indique Étienne Charbit, du Cler, réseau pour la transition énergétique. On en est à peine à 330.000. » Surtout, ces chiffres comptabilisent tous types de travaux de rénovation, y compris un simple changement de vitrage. Or, ces petits gestes de rénovation ne permettent pas de réduire significativement la consommation d’énergie. « Les gens raisonnent chaudière et fenêtre, alors que les postes les plus importants sont la toiture et la ventilation, explique Vincent Legrand, de l’institut négaWatt. Mais si on isole les combles sans faire l’étanchéité à l’air [c’est-à-dire traiter les infiltrations et les fuites d’air], on perd tout l’intérêt de l’opération. En plus, une rénovation mal faite ou incomplète peut dégrader la qualité de l’air intérieur. » Selon lui, les politiques actuelles, qui encouragent une rénovation par étapes coûteuse et inefficace, vont droit dans le mur.
« Notre but est de rendre accessible la rénovation performante à tous les ménages, sans perte de pouvoir d’achat »
Un avis corroboré par l’étude menée par Matthieu Glachant, professeur d’économie, à partir des chiffres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), sur les factures énergétiques des ménages avant et après travaux. D’après leurs estimations, « 1.000 euros de travaux ne diminuerait en moyenne la facture énergétique que de 8,4 € par an ». Conclusion, acerbe, des chercheurs, « la rénovation énergétique est alors loin d’être rentable si l’on s’en tient aux seules économies d’énergie puisque le temps de retour correspondant, c’est-à-dire le nombre d’années nécessaires pour récupérer le coût de l’investissement initial, est de 120 ans ». (...)
La solution, prônée par des organisations comme le Cler ou négaWatt, se nomme la « rénovation complète et performante » : des travaux réalisés en une seule fois, traitant autant de l’isolation de l’ensemble du bâtiment, des systèmes de chauffage et de ventilation que de l’étanchéité à l’air. D’après l’observatoire BBC, seuls 33.000 logements sont ainsi rénovés « à basse consommation » chaque année. On est donc (très) loin des 500.000 rénovations visées. (...)
institut négaWatt a développé depuis 2011 un dispositif de rénovation performante des maisons individuelles, nommé Dorémi. (...)
Le mécanisme trouvé par les experts de Dorémi est pourtant simple : « Il s’agit de transformer les factures de chauffage, qui vont significativement diminuer, en mensualités de prêt d’un montant équivalent » (...)
Dans la région de Valence, où est implanté Dorémi, une vingtaine de logements ont ainsi été rénovés. (...)
« On n’a pas assez d’artisans, et ils sont ultrademandés. On a besoin de développer des formations, en lycée technique, mais aussi auprès des artisans déjà en activité » (...)
Du toit au plancher, une rénovation performante nécessite en effet 6 à 8 actions de travaux coordonnés. Plutôt que de laisser les ménages faire appel à plusieurs entreprises artisanales, et gérer eux-mêmes un chantier complexe, Dorémi accompagne et forme des groupements d’artisans, qui travaillent ensemble et en même temps, afin d’optimiser les coûts. (...)
Autre obstacle à lever, « la complexité des aides », estime Emmanuel Combes, animateur de l’agglomération de Valence, formé par Dorémi à accompagner les propriétaires — dont trois quarts de foyers modestes ou très modestes — souhaitant rénover. « Aujourd’hui, il existe le crédit d’impôt pour la transition énergétique, les certificats d’économie d’énergie, les écoprêts à taux zéro, les aides de l’Agence nationale de l’habitat [Anah], ainsi que les aides de l’agglo, du département et de la région, énumère-t-il. Une aide unique adossée à un prêt, ce serait quand même plus simple et plus incitatif.
Les aides sont souvent insuffisantes et difficilement accessibles aux plus pauvres (...)