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Régression démocratique
Par les membres de l’Institut de Recherche et d’Etudes Méditerranée Moyen-Orient.
Article mis en ligne le 7 novembre 2020
dernière modification le 6 novembre 2020

Face au déferlement des ignorances et des peurs, et au nom des valeurs de la République, nous réaffirmons notre attachement à la laïcité telle qu’elle est dans ses fondamentaux : liberté de conscience, liberté de culte et neutralité de l’Etat. Nous rejetons les injonctions de ceux qui réduisent les principes de notre République au carcan de leur idéologie. Loin de les renforcer, ils les défigurent et mettent en péril la liberté d’expression.

En ces temps difficiles et troublés marqués par une angoissante pandémie pour le moment hors de contrôle et une dramatique reprise des attentats terroristes, il est nécessaire de garder sa lucidité dans les débats confus et violents qui submergent les medias et la « classe » politique autour de l’islam, du radicalisme islamique et de la laïcité. (...)

Si on ne rallie pas, sur le champ, le discours dominant des tenants d’une laïcité de combat, on risque d’être aussitôt dénigré et caricaturé comme des intellectuels prisonniers d’une « doxa-antioccidentale », embourbés dans « le prêchi-prêcha multiculturaliste » et, en définitive, engloutis dans le « déni » des dérives islamistes. De même les artisans de la fraternité sont-ils renvoyés à leur supposée ingénuité dans le meilleur des cas, à leur aveuglement coupable dans le pire.

Ces stigmatisations sont choquantes et font régresser le débat qui, à force de s’emballer, perd tout sens. Elles s’inscrivent dans un courant puissant qui pousse à adopter les postures les plus intransigeantes sur le mode « plus laïc et sécuritaire que moi, tu meurs ». Au nom de cette idéologie, certains osent tout : tel journaliste propose que seuls les prénoms du calendrier soient autorisés, tel éditorialiste décide qu’il ne faut pas oublier que la loi de 1905 « était fondée aussi sur l’assimilation », tels universitaires appellent à la création « d’une instance chargée de faire remonter les cas d’atteinte aux principes républicains à l’Université », tel parlementaire veut en finir avec l’Observatoire de la laïcité qui fait pourtant un travail remarquable, tel ministre s’en prend « aux ravages »de l’islamo-gauchisme à l’université ...

Sur ce courant viennent surfer des politiques qui, quoi qu’il en coûte à la démocratie, veulent peser sur le débat pour consolider leurs positionnements personnels ou tenter leur éternel retour dans la perspective des prochaines échéances électorales (...)

Leurs interventions démultipliées par les medias en quête d’audience viennent davantage encore polluer un débat emporté par les passions, les ignorances et les peurs.

Face à ce déferlement, et précisément au nom des valeurs de la République, nous voulons réaffirmer notre attachement à la laïcité telle qu’elle est dans ses fondamentaux : liberté de conscience, liberté de culte et neutralité de l’Etat. En aucun cas, elle ne doit être détournée pour devenir une idéologie de dénonciation et d’exclusion.

Nous voulons aussi condamner toutes les formes de violence comme toutes les dérives islamistes qui consistent à s’enfermer dans un système de valeurs étranger à celui de la République. Pour autant le nécessaire combat contre le terrorisme djihadiste ne doit jamais servir de prétexte à la production d’amalgames dangereux aboutissant à mettre en cause nos concitoyens de religion musulmane. Il ne doit pas non plus oblitérer la réalité très préoccupante d’une islamophobie que les tenants d’une laïcité de combat s’obstinent à nier, à l’encontre des principes qu’ils prétendent eux-mêmes défendre. On dénonce avec force et raison le racisme et l’antisémitisme mais on refuse de voir les multiples actes perpétrés contre des musulmans et leurs lieux de culte. Une telle position n’empêche nullement d’analyser la violence djihadiste et l’enfermement intégriste comme aussi la marque d’une marginalisation de l’exégèse des textes de l’islam. (...)

Nous voulons enfin rappeler le poids des mots surtout quand ils sont utilisés par les plus hautes autorités de l’Etat. Si la liberté d’expression est une valeur fondamentale de la République, son usage ne doit pas faire oublier aussi à qui elle s’adresse, en particulier sur le plan international,surtout à l’heure du numérique qui décuple la résonance de ce qui est dit ou écrit. (...)

nous rejetons résolument les injonctions de ceux qui veulent réduire les principes fondamentaux de notre République au carcan de leur propre idéologie. Loin de les renforcer, ils les défigurent et mettent réellement en péril la liberté d’expression. On peut et on doit donc, en même temps, affirmer notre laïcité et combattre toute forme de dérive islamiste, dénoncer l’islamophobie et être lucide sur la crise de l’islam, être intransigeant sur nos valeurs et respecter en tous points notre Etat de droit, tel qu’il est.