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Refroidir l’air sans réchauffer la Terre : le défi d’une clim’ écolo
#rechauffementclimatique #pollution #climatisation
Article mis en ligne le 15 août 2023
dernière modification le 14 août 2023

Hélium, propane, froid magnétique… Plusieurs pistes sont explorées par des scientifiques et des entreprises pour se passer des gaz qui rendent la climatisation si catastrophique pour le climat.

Comment se rafraîchir sans réchauffer la planète ? Telle est la délicate équation que pose l’explosion attendue du nombre de climatiseurs dans le monde. Pour affronter les vagues de chaleur toujours plus intenses engendrées par le changement climatique, leur nombre devrait passer de 1,6 milliard à 5,6 milliards d’ici 2050, selon un rapport de 2018 l’Agence internationale de l’énergie.

Or, ceux-ci menacent doublement le climat. D’une part, parce que ces appareils consomment énormément d’énergie : près de 10 % de l’électricité mondiale, avec les ventilateurs que l’étude comptabilise dans un même ensemble.

D’autre part, parce que les fluides frigorifiques qu’ils utilisent, les hydrofluorocarbures (HFC), ont un énorme pouvoir réchauffant lorsqu’ils fuitent dans l’atmosphère, jusqu’à plusieurs milliers de fois plus que le CO₂ par tonne émise. (...)

Tout cela pris en compte, la climatisation représente à ce jour près de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, évaluait en 2022 une étude étasunienne. (...)

C’est la raison pour laquelle l’accord de Kigali, signé par une centaine d’États, prévoit la réduction de 85 % des HFC d’ici 2047. Mais le passage à l’acte reste compliqué.

L’Union européenne, pourtant en pointe sur le sujet avec un objectif de réduction de deux tiers des HFC d’ici 2030, a échoué le 19 juillet dernier à conclure les négociations menées en interne pour réviser le règlement sur ces gaz, et porter l’ambition à une réduction de 98 % de leur utilisation d’ici 2050, par rapport à 2015.

Le lobbying de l’industrie du froid a notamment fait peser le risque de ruptures de la chaîne du froid si les gaz fluorés sont interdits trop vite, en l’absence d’alternatives convaincantes. (...)

« Il y a des réticences des industriels liées aux investissements nécessaires. Mais aussi un sentiment d’injustice face aux efforts déjà consentis », note Stéphanie Barrault, responsable du développement durable du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa).

Dans la jungle des gaz fluorés actuellement sur le marché, tous, en effet, ne se valent pas. (...)

« Selon les usages, domestiques ou industriels, les besoins de puissance ou de température, on a besoin de gaz aux propriétés différentes », souligne Stéphanie Barrault.

En outre, même un gaz faiblement réchauffant reste réchauffant. L’idéal serait donc d’atteindre l’objectif de suppression totale des HFC.

Pour comprendre le défi de la quête d’alternatives, revenons un instant sur la manière dont fonctionnent nos climatiseurs. (...)

Trouver un gaz qui soit à la fois performant énergétiquement, non réchauffant et sécurisé relève pour l’instant d’une gageure. Si le CO₂ et le propane ont de fortes chances d’être des fluides majeurs de la transition du secteur, certains tentent d’inventer une réfrigération qui se passerait d’évaporation de fluide. Comme l’entreprise Equium, qui utilise des ondes sonores pour compresser et détendre un gaz et générer ainsi du chaud ou du froid sans le faire changer d’état. (...)

« Il peut y avoir des applications mais les performances énergétiques seront forcément bien moindres que pour un appareil avec compression », estime ce dernier.
Refroidissement sans gaz

Autre piste : se passer carrément de gaz. Une équipe du laboratoire de recherche international ELyTMaX a récemment réussi la prouesse de produire du froid en jouant sur l’élongation et la contraction de tubes en caoutchouc.

Ceux-ci sont tellement étirés que leurs polymères se mettent à cristalliser : lors du relâchement, les cristaux fondent et absorbent dans l’opération la chaleur environnante. (...)

Parmi les autres voies d’innovation, l’une des plus prometteuses consiste enfin à utiliser l’effet magnétocalorique : là non plus, pas de gaz ni de changement de phase nécessaire puisque cela consiste à utiliser les propriétés magnétiques d’un matériaux pour changer sa température. (...)

« C’est très efficace mais ce n’est pas fait pour être généralisé : le froid magnétique nécessite de puissants et encombrants aimants et la consommation de terres rares ou matériaux spécifiques qui ont un certain coût écologique » (...)

« Bouilloires thermiques » et sobriété

En somme, pas de solution miracle à venir et un constat évident : la transition vers la fin des HFC passera aussi par la sobriété et l’amélioration des usages. D’autant que l’absence de fuite ou de gaz réchauffant ne règle pas le problème du surplus de consommation énergétique attendu. (...)

L’agence de la transition écologique souligne également l’importance d’agir en amont, pour empêcher la chaleur d’entrer dans les intérieurs. Ce qui implique aussi de mettre le paquet que la rénovation thermique des bâtiments et de mieux lutter contre les « bouilloires thermiques », enjeu de santé aujourd’hui à la traîne des politiques publiques.